63o H I S T O I R E N A T U R E L L E
observés avec assez de soin pour que leurs habitudes
fussent bien connues. Les Romains ont attaché particulièrement
un grand prix à ces scombres , sur-tout
lorsqu’asservis sous leurs. empereurs , ils ont voulu
remplacer par les jouissances du luxe les plaisirs de
la gloire et de la liberté; et comme nous ne croyons
pas inutile aux progrès de la morale et de l’économie
publique, d’indiquer à ceux qui cultivent ces sciences
si importantes, toutes les particularités de ce goût si
marqué que nous avons observé dans les anciens pour
les alimens tirés des poissons , nous ne passerons pas
sous silence les petits détails que Pline nous a transmis
sur la préférence que les Romains de son temps dan-
noient à telle ou telle portion des scombres auxquels
cet article est consacré. Ils estimoient beaucoup la tête
et le dessous du ventre ; ils recherchoient aussi le dessous
de la poitrine, qu’ils regardoient cependant comme
difficile à digérer, sur-tout quand il n’étoit pas très-frais;
ils ne faisoient presque aucun cas des morceaux voisins
de la nageoire caudale, parce qu’ils ne les trouvoient
pas assez gras; et ce qu’ils préféroient à plusieurs autres
alimens, étoit la portion la plus proche du gosier.ou de
l’oesophage. Ces mêmes Romains savoient fort bien conserver
les thons, en les coupant par morceaux, et en
les renfermant dans des vases remplis de sel; et ils don-
noient à cette préparation le nom de mélandrye ( me--
landrya ), à cause de sa ressemblance avec des copeaux
un peu noircis de chêne, ou d’autres arbres. Les mo-
D E S P O I S S O N S . 6 3 ï
dernes ont employé le même procédé. Rondelet dit que
ses contemporains coupoient les thoijs qu’ils vouloient
garder, par tranches ou darnes, et qu’on donnoit à ces
darnes imbibées de sel le nom de tlicmnine ou de taren-
ïella, parce qu’on en apportait beaucoup de Tarente.
Très-souvent, au lieu de se contenter de saler les thons
par des moyens à peu près semblables à ceux que nous
avons exposés en traitant du gade morue, on les marine
après les avoir coupés par tronçons , et en les
préparant avec de T’huilé et du sel. On renferme les
thons marines dans des barils; et on distingue avec
beaucoup de soin ceux qui contiennent la chair du
ventre, préférée aujourd’hui par les Européens comme
autrefois par les Romains , et nommée panse de thon,
de ceux dans lesquels on a mis la chair du dosr que
l’on appelle dos de thon, ou simplement thonnime *.
Comme les thons sont ordinairement très-gras, il
se détache de ces poissons-, lorsqu’on les lave et qu’on
les presse pour les saler, une huile communément
assez abondante, qui surnage promptement, que l’on
ramasse avec facilité, et qui est employée par les
tanneurs.
11 est des mers dans lesquelles ces scombres se nourrissent
de mollusques assez malfaisaus pour faire
* Les anciensfaisoient saler les intestins du thon, ainsi que les oeufs de
ce scombre, qui servent encore de nos jours, sur plusieurs côtes, et particulièrement'sur
celles de la Grèce', à faire une sorte de poutnrgue^ Qon-
strltez princ-!palement,.à-ce sùjetÿ Àulâ-GelleP çhaj>. 30*