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boréales, ils sont assez imprégnés de substance huileuse
pour être employés à faire du feu, sur-tout
lorsqu’ils ont été séchés au point convenable.
On ne néglige même pas les intestins de la morue,
que l’on a nommés dans plusieurs endroits, noues, ou
nos; et enfin on prépare avec soin, et on conserve pour
la table, les oeufs de ce gade, auxquels on a donné la
dénomination de rognes, ou de raves.
Tels sont les procédés et les fruits de ces pêches importantes
et fameuses, qui ont employé dans la même
année jusqu’à vingt mille matelots d’une seule nation *.
On aura remarqué sans doute que nous n’avons parlé
que des pêcheries établies dans l’hémisphère boréal,
soit auprès des côtes de l’ancien continent, soit auprès
de celles du nouveau. A mesure que l’on eonnoîtra
mieux la nature des rivages des isles, ou des continens
particuliers de l’hémisphère austral, et particulièrement
de ceux de l’Amérique méridionale, tant du côté de
l’orient que du côté de l ’occident, il est à présumer
que l’on découvrira des plages où la température de
la mer, la profondeur des eaux, la nature du fond,
l’abondance des petits poissons, l'absence d’animaux
dangereux, et la rareté de tempêtes très-violentes et
de très-grands bouleversemens de l’Océan, ont appelé,
nourrissent et multiplient l’espèce de la morue, que
certains peuples pourvoient aller y pêcher avec moins
* La nation angloise.
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de peine et plus de succès que sur les rives boréales
de l’hémisphère arctique.
De. nouveaux pays profiteroient ainsi d’un des plus
grands bienfaits de la Nature ; et l’espèce de la morue,
qui alimente une si grande quantité d’hommes et
d’animaux en Islande, en Norvège, en Suède, en
Russie, et dans dautres régions asiatiques ou européennes,
pourvoit d autant plus suffire aussi aux besoins
des habitans des rives antarctiques, quelle est très-
îemarquable par sa fécondité. Lon est étonné du
nombre prodigieux d’oeufs que portent les poissons
femelles ; aucune de ces femelles n’a cependant été
favorisée à cet égard comme celle de la morue.
Ascagne parle dun individu de cette dernière espèce,
qui avoit treize décimètres de longueur, etpesoit vingt-
cinq kilogrammes; l’ovaire de ce gade en pesoit sept,
et renfermoit neuf millions d’oeufs. On en a compté
neuf millions trois cent quarante-quatre mille dans
une autre morue. Quelle immense quantité de mojens
de reproduction ! Si le plus grand nombre de ces oeufs
n’étoient ni privés de la laite fécondante du mâle, ni
détruits par divers accidens, ni dévorés par différens
animaux, on voit aisément combien peu d’années il
faudroit pour que l’espèce de la morue eû t, pour
ainsi d ire, comblé le vaste bassin des mers.
Quelqu’agréables au'goût que l’on puisse rendre
les diverses préparations de la morue séchée, ou de la
ntorue salée, on a toujours préféré, avec raison, delà
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