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accouplement du mâle avec la femelle, comme dans
celles des raies, des squales, des syngnathes, des blennies
et des silures; ce qui confirme ce que nous avons
déjà dit de la nature de ses affections. Et comme la
conformation des murènes est semblable en beaucoup
dé points à celle des serpens, l’accouplement des serpens
et celui des murènes doivent avoir lieu, à peu près, de
la même manière. Rondelet a vu, en effet, le mâle et la
femelle entrelacés dans le moment de leur réunion la
plus intime, comme deux couleuvres le sont dans des
circonstances analogues; et ce fait a été observé depuis
par plusieurs naturalistes.
Dans l’anguille, comme dans tous les autres poissons
qui éclosent dans le ventre de leur mère, les oeufs renfermés
dans l’intérieur de la femelle sont beaucoup
plus volumineux que ceux qui sont pondus par les
espèces de poissons auxquelles on n’a pas donné le
nom de vivipares ou de vipères : le nombre de ces oeufs
doit donc être beaucoup plus petit dans les premiers
que dans les seconds ; et c’est ce qui a été reconnu plus
d’une fois.
L’anguille est féconde au moins dès sa douzième
année. Le citoyen Septfontaines a trouvé des petits bien
formés dans le ventre d’une femelle qui n’avoit encore
que trente-cinq centimètres de longueur, et qui, par
conséquent, pouvoit n’être âgée que de douze ans.
Cette espèce croissant au moins jusqu’à sa quatre-
vingt-quatorzième année, chaque individu femelle peut
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produire pendant un intervalle de quatre-vingt-deux
ans ; et ceci sert à expliquer la grande quantité d’anguilles
que l’on rencontre dans les eaux qui leur conviennent.
Cependant, comme le nombre des petits
qu’elles peuvent mettre au jour chaque année est
très-limité, et que, d’un autre côté, les accidens, les
maladies, l’activité des pêcheurs, et la voracité des
grands poissons, des loutres, et des oiseaux d’eau, en
détruisent fréquemment une multitude, on ne peut se
rendre raison de leur multiplication qu’en leur attribuant
une vie et même un temps de fécondité beaucoup
plus longs qu’un siècle, et beaucoup plus analogues
,à la nature des poissons, ainsi qu’à la longévité qui en
est la suite.
Au reste, il paroît que dans certaines contrées, et
dans quelques circonstances, il arrive aux oeufs de
l’anguille ce qui survient quelquefois à ceux des raies,
des squales, des blennies, des silures, etc.; c’est que
la femelle s’en débarrasse avant que les petits ne soient
éclos ; et l’on peut le conclure des expressions employées
par quelques naturalistes en traitant de cette
murène, et notamment par Redi dans son ouvrage des
animaux vivans dans les animaux vivans.
Tous les climats peuvent convenir à l’anguille : on la
pêche dans des contrées très-chaudes, à la Jamaïque ,
dans d’autres portions de l’Amérique voisines des
tropiques, dans les Indes orientales ; elle n’est point
étrangère aux régions glacées, à l’Islande , au Groen