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frapper eux-mêmes comme par enchantement, les
engourdir, et les enchaîner, pour ainsi dire, dans le
moment où ils secrojoient garantis, par leloignement,
de tout danger et même de toute atteinte! Le merveilleux
a disparu même pour les jeux les moins éclairés,
mais l’intérêt s’est accru et l’attention a redoublé , lorsqu’on
a rapproché de ces effets remarquables les phénomènes
de l’électricité, que chaque jour l’on étudioit
avec plus de succès. Peut-être cependant croira-t-on,
en lisant la suite de cette histoire, que cette puissance
invisible et soudaine du gjmnote ne peut être considérée
que comme une modification de cette force
redoutable et en même temps si féconde, qui brille
dans l’éclair , retentit dans le tonnerre , renverse,'
détruit, disperse dans les foudres, et qui, moins resserrée
dans ses canaux, moins précipitée dans ses
mouvemens, plus douce dans son action, se répand sur
tous les points des êtres organisés, en pénètre toute la
profondeur, en parcourt toutes les sinuosités, en vivifie
tous les élémens. Peut-être faudroit-il, en suivant ce
principe et pour éviter toute erreur, ne donner, avec
quelques naturalistes, au poisson que nous examinons,’
que le nom de gymnote engourdissant, de gymnote tor~
porifique, qui désigne un fait bien prouvé'et indépendant
de toute théorie. Néanmoins, comme la puissance
qu’il exerce devra être rapportée dans toutes les hjpo-
thèses à une espèce d’électricité; comme ce mot électricité
peut être pris pour un mot générique, commun
D E S P O I S S O N S . i S j
à plusieurs forces plus ou moins voisines et plus ou
moins analogues; comme les phénomènes les plus
imposans de l’électricité proprement dite sont tous
produits par le gjmnote qui fait l’objet de cet article,
et enfin comme le plus grand nombre de phjsieiens
lui ont donné depuis long-temps cette épithète ^électrique,
nous avons cru devoir, avec ces derniers savans,
la préférer a toute autre dénomination.
Mais avant de montrer en détail ces différens effets,
de les comparer, et d’indiquer quelques unes des causes
auxquelles il faut les rapporter, achevons le portrait
du gjmnote électrique : vojons quelles formes particulières
lui ont été départies, comment et par quels
organes il naît, croît, se meut, vojage, et se multiplie
au milieu des grands fleuves qui arrosent les bords
orientaux de l’Amérique méridionale, de ces contrées
ardentes et humides , où le feu de l’atmosphère et
l’eau des mers et des rivières se disputent l’empire; où
tous les élémens de la reproduction ont été prodigués,
où une surabondance de force vitale fait naîtr°e les’
Végétaux et les animaux vénéneux, où, si je puis
emplojer cette expression , les excès de la Nature
indépendamment de ceux de l ’homme, sacrifient chaque
jour tant d’individus aux espèces ; où tous les degrés
du développement, entassés, pour ainsi dire, les uns
contre les autres, produisent nécessairement toutes les
nuances du dépérissement ; où des arbres immenses
étendent leurs branches innombrables, pressées,