a suivi avec une exactitude remarquable le principe de
diviser le travail pour le rendre plus prompt et plus
voisin de la perfection que Ton desire ; et ce sont les
Ànglois qui ont donné à cet égard l’exemple à l’Europe
commerçante.
La force des cordes ou ligues, la nature des hameçons,
les dimensions des bâtimens, tous ces objets ont été
déterminés avec précision. Les lignes ont eu depuis un
jusqu’à deux centimètres , ou à peu près , de circonférence,
et quelquefois cent quarante-cinq mètres de longueur:
elles ont été faites d’un très-bon chanvre, et composées
de fils très-fins, et cependant très-forts, afin que
les morues ne fussent pas trop effrayées, et que les
pêcheurs pussent sentir aisément l’agitation du poisson
pris, relever avec facilité les cordes et les retirer sans
les rompre.
Le bout de ces lignes a été garni d’un plomb qui a eu
la forme d’une poire ou d’un cylindre , a pesé deux ou
trois kilogrammes selon la grosseur de ces cordes , et
a soutenu une empile longue de quatre à cinq mètres *.
Communément les vaisseaux employés pour la pêche
des morues ont été de cent cinquante tonneaux au plus,
et de trente hommes d’équipage. On a emporté des
vivres pour deux, trois et jusqu’à huit mois , selon la
longueur du temps que l’on a cru devoir consacrer au
* Nous avons VU , dans Particle de la r a ie b o u c lé e , que l ’empile est un fil
chanvre, de crin, ou de métal, auquel le h a im ou h a m e ç o n est attaché.
voyage. On.n’a pas manqué de se pourvoir de bois pour
aider le dessèchement des morues, de sel pour les conserver
, de tonnes et de petits barils poury renfermer
les differentes parties de ces animaux déjà préparées.
Des bateaux particuliers ont été destinés à aller
pecher , meme au loin, les mollusques et les poissons
propres à faire des appâts , tels que des sépies, des
harengs, des éperlans, des trigles, des maquereaux,
des capelans, etc.
On se sert de ces poissons quelquefois lorsqu'ils sont
salés, d’autres fois lorsqu’ils n’ont pas été imprégnés
de sel. On en emploie souvent avec avantage de digérés
à demi. On remplace avec succès ces poissons corrompus
, par des fragmens d’écrevisse’ou d’autres crabes ,
du lard et de la viande gâtée. Les morues sont même si
imprudemment goulues, qu’on les trompe aussi en ne
leur présentant que du plomb ou de l’étain façonné en
poisson , et des morceaux de drap rouge semblables
par la couleur à de la chair ensanglantée ; et si l’on a
besoin d’avoir recours aux appâts les plus puissans,
on attache aux hameçons le coeur de quelque oiseau
d’eau , ou même une jeune morue encore saignante ;
caria voracité des gades que nous décrivons est telle,
que, dans les momens où la faim les aiguillonne, ils
ne sont retenus que par une force supérieure à la leur,
et n’épargnent pas leur propre espèce.
Lorsque les précautions convenables n’ont pas été
oubliées, que l’on n’est contrarié ni par de gros temps