L E P É G A S E D R A G O N *.
P resque tous les pégases ont leurs nageoires pectorales
conformées et étendues de manière à les soutenir
aisément et pendant un temps assez long, non seulement
dans le sein des eaux, mais encore au milieu de
l ’air de l’atmosphère, quelles frappent avec force. Ce
sont en quelque sorte des poissons ailés, que l’on a
bientôt voulu regarder comme les représentans des
animaux terrestres qui possèdent également la faculté
de s’élever au dessus de la surface du globe. Une imagination
riante les a particulièrement comparés à ce
coursier fameux que l’antique mythologie plaça sur la
double colline; elle leur en a donné le nom à jamais
célèbre. Le souvenir de suppositions plus merveilleuses,
d’images plus frappantes, de formes plus extraordinaires,
de pouvoirs plus terribles, a vu, d’ün autre
côté, dans l’espèce de ces animaux que l’on a connue
la première, un portrait un peu ressemblant, quoique
composé dans de très-petites proportions, de cet être *
* Pegasus .draconis. Linné} édition de Gmelin.
Pegasus draconis, dragon de mer. Bloch} -pi, 109,fig . 1 et 2.
Pégase dragon. Baubenton, Encyclopédie méthodique. -
Id. Bonnaterreplanches de VEncyclopédie méthodique.
Gronov. Zoophy't» 356, tab. 12 ^fig* 2 et 3.
Naja lavet jang kitsjil, klein zeedraakje. Valent. Ind. 3 , p. 428, tab. ï jU
Scbaj Mus. 3, tab. 34i f î§m 4*
fabuleux, qui, enfanté par le génie des premiers chantres
des nations, adopté fa r l’ignorance, divinisé par la
crainte, a traversé tous les âges et tous les peuples,
toujours variant sa figure fantastique, toujours accroissant
sa vaine grandeur, toujours ajoutant à sa puissance
ideale, et vivra a jamais dans les productions
immortelles de la céleste poésie. Ah! sans doute, ils
sont bien légers, ces rapports que l’on a voulu indiquer
entre de foibles poissons volans découverts au milieu
de l’Océan des grandes Indes, et l’énorme dragon dont
la peinture présentée par une main habile a si souvent
eflfrajé l’enfance, charmé la jeunesse, et intéressé
lage mûr, et ce cheval ailé consacré au dieu des vers
par les premiers poètes reconnoissans. Mais quelle
erreur pourroit ici alarmer le naturaliste philosophe?
Laissons subsister des noms sur le sens desquels personne
ne peut se méprendre, et qui seront comme le
signe heureux d une nouvelle alliance entre les austères
scrutateurs des lois de la nature, et les peintres sublimes
de ses admirables ouvrages. Qu’en parcourant
1 immense ensemble des êtres innombrables que nous
cherchons à faire connoître, les imaginations vives, les
coeurs sensibles des poètes 11e se croient pas étrangers
parmi nous. Qu’ils trouvent au moins des noms hospitaliers
qui leur rappellent et leurs inventions hardies,
et leurs allégories ingénieuses, et leurs tableaux enchanteurs,
et leurs illusions douces ; et que, retenus
par cet attrait puissant au milieu de nos conceptions