ou salée saus en périr. En effet, nous avons vu qu’une
des grandes causes de la mort des poissons que l’on
retient dans l’atmosplière, est le grand dessèchement
qu’éprouvent leurs branchies, et qui produit la rupture
des artères et des veines branchiales, dont le sang, qui
n’est plus alors contre-balancé par un fluide aqueux
environnant, tend d’ailleurs sans contrainte à rompre
les membranes qui le contiennent. Mais l’anguille peut
conserver plus facilement que beaucoup d’autres poissons,
l’humidité, et par conséquent la ductilité et la
ténacité des vaisseaux sanguins de ses branchies; elle
peut clore exactement l’ouverture de sa bouche; l’orifice
branchial, par lequel un air desséchant paroîtroit
devoir s’introduire en abondance, est très-étroit et peu
alongé ; l’opercule et la membrane sont placés et conformés
de manière à fermer parfaitement cet orifice;
et de plus, la liqueur gluante et copieuse dont l’animal
est imprégné, entretient la mollesse de toutes les portions
des branchies. Nous devons encore ajouter que,
soit pour être moins exposée aux attaques des animaux
qui cherchent à la dévorer, et à la poursuite des pêcheurs
qui veulent en faire leur proie, soit pour obéir
à quelque autre cause que l’on pourroit trouver sans
beaucoup de peine, et qu’il est, dans ce moment, inutile
de considérer, l’anguille ne va à terre, au moins le
plus fréquemment, que pendant la nuit. Une vapeur
humide est très-souvent alors répandue dans l ’atmosphère
; le dessèchement de ses branchies ne peut avoir
lieu que plus difficilement; et l’on doit voir maintenant
pourquoi, dès le temps de Pline*, on avoit observé
en Italie que l’anguille peut vivre hors de l’eau jusqu’à
s ix jours, lorsqu’il ne souffle pas un vent méridional,
dont l’effet le plus ordinaire, dans cette partie de
l ’Europe, est de faire évaporer l’humidité avec beaucoup
de vitesse.
Pendant le jour, la murène anguille, moins occupée
de se procurer l’aliment quelle desire, se tient presque
toujours dans un repos réparateur, et dérobée aux jeux
de ses ennemis par* un asjle qu’elle prépare avec soin.1
Elle se creuse avec son museau une retraite plus ou
moins grande dans la terre molle du fond des lacs et
des rivières; et par une attention particulière, résultat
remarquable d’une expérience dont l’effet se maintient
de génération en génération, cette espèce de terrier a
deux ouvertures, de telle sorte que si elle est attaquée
d’un côté, elle peut s’échapper de l’autre. Cette industrie,
pareille à celle des animaux les plus précautionnés
, est une nouvelle preuve de cette supériorité d’instinct
que nous avons dû attribuer à l’anguille dès le
moment où nous avons considéré dans ce poisson le
volume et la forme du cerveau, l’organisation plus
soignée des sièges de l’odorat, et enfin la flexibilité et
la longueur du corps et de la queue, qui, souples et
continuellement humectés, s’appliquent dans toute
* Pline , liv. g^ chap. 1.