qui sont l’objet de cet article , suivant l’âge , et par
conséquent le degré de développement de ces animaux.
Pline rapporte qu’on nommoit cordyles les thons très-
jeunes qui, venant d’éclore dans la mer Noire, repas-
soient, pendant l’automne, dans l’Hellespont et dans,
la Méditerranée, à la suite des légions nombreuses des
auteurs de leurs jours. Arrivés dans la Méditerranée r
ils y portoient le nom de pélamides pendant les premiers
mois de leur croissance; et ce n’étoit qu’après
un an que la dénomination de thon leur Était appliquée.
Nous avons cru d’autant plus utile de faire mention
ici de cet antique usage des Grecs ou Romains, que
ces expressions de curdyle et de pe/amide ont été successivement
employées par plusieurs auteurs anciens
et modernes dans des sens très-divers ; qu’elles servent
maintenant à désigner deux espèces de scombres, le
guare et la bonite, très-différentes du véritable thon;
et qu’on ne sauroit prendre trop de soins pour éviter
la confusion, qui n’a régné que trop long-temps dans
l’étude de l’histoire naturelle.
Des animaux marins très-grands et très-puîssansT
tels que des squales et des xiphias, sont pour les thons
des ennemis dangereux , contre les armes desquels
leur nombre et leur réunion ne peuvent pas toujours
les défendre. Mais indépendamment de ces adversaires
remarquables par leur force ou par leurs dimensions,
le thon expire quelquefois victime d’un être bien petit
et bien foible en apparence, mais qui, par les piquures
<qu il lui fait et les tourmens qu’il lui cause , l’agite ,
1 irrite, le rend furieux, à peu près de la même manière
que le terrible insecte ailé qui règne dans les déserts
brulans de lAfrique, est le fléau le plus funeste des
panthères, des tigres et des lions. Pline savoit qu’un animal
dont il compare le volume à celui d’une araignée,
et la figure à celle du scorpion, s’attachoit au thon, se
plaçoit auprès ou au-dessous de l’une de ses nageoires
pectorales , s’y cramponnoit avec force , le piquoit de
son aiguillon, et lui causoit une douleur si vive, que
lé scombre, livré à une sorte de délire, et ne pouvant,
malgré tous ses efforts, ni immoler ni fuir son ennemi,
ni appaiser sa souffrance cruelle, bondissoit avec violence
au-dessus de la surface des eaux, la parcouroit
avec rapidité , sagitoit en tout sens, et ne résistant
plus à son état affreux, ne connoissant plus d’autre
danger que la durée de son angoisse, excédé, égaré,
transporté par une sorte de rage, s’élançoit sur le
rivage ou sur le pont d’un vaisseau, où bientôt il
trouvoit dans la mort la fin de son tourment fi
C’est parce qu’on a bien observé dans les thons cette
nécessité funeste de succomber sous les ennemis que
nous venons d’indiquer, l’habitude du succès contre
d’autres animaux moins puissans , le besoin d’une
grande quantité de nourriture , la voracité qui les
précipite sur des alimens de différente nature, leur *
* Rondelet a fait représenter sur la figure du thon qu’ il a publiée, le
petit animal dont Pline a parlé«