nous préférerous d’appliquer les idées que nous venons
d’émettre , à ceux qui, dans la progression de simplicité
des êtres,, suivent ces animaux , lesquels , de même que
l ’homme, respirent par des poumons. Eu nous arrêtant
aux poissons pour les considérations qu’il nous reste
à présenter, nous attacherons notre attention à des
animaux dont non seulement cet ouvrage est destiné à
faire connoître l’histoire, mais encore qui vivent dans un
fluide particulier, où ils sont exposés à moins de circonstances
perturbatrices, de variations subites et funestes,
d’accidens extraordinaires, et qui d’ailleurs, par une suite
de la nature de leur séjour, de la date de leur origine,
de la contexture solide et résistante du plus grand
nombre de leurs parties, et de la propriété qu’ont ces
mêmes portions de se conserver dans le sein de la terre
au moins pendant un temps assez long pour j former
une empreinte durable, ont du laisser, et ont laisse en
effet, des monumens de leur existence passée, bien plus
nombreux et bien plus faciles à reconnoître, que presque
toutes les autres classes des êtres'vivans et sensibles.
Nous avons compté douze modifications principales
par lesquelles une espèce peut passer de dégradation
en dégradation, jusqu’à la perte totale dé ses caractères
distinctifs, de son essence, et par conséquent de l'exis-,
tence proprement dite.
Parcourons ces modifications.
Nous avons chaque jour sous les jeux des exemples
d’espèces de poissons qui , transportées dans des eaux
SUR LA DURÉE DES ESPECES. xlix
plus troubles ou plus claires, plus lentes ou plus rapides
, plus chaudes ou plus froides, non seulement se
montrent avec des couleurs nouvelles, mais éprouvant
encore des changemens plus marqués dans leurs tégu-
mens, baignées , attaquées et pénétrées par un fluide
différent de celui qui les arrosoit , présentent des
écailles, des verrues, des tubercules, des aiguillons
très-peu semblables par leur figure , leur dureté , leur
nombre ou leur position, à ceux dont ils étoient revêtus.
i$ est évident que ces modifications produites dans le
même temps et dans un lieu différent, ont pu et dû
naître dans un temps different et dans le même lieu ,
et contribuer par conséquent, dans la suite des siècles ,
à diminuer la durée de l’espèce, aussi-bien qu’à restreindre
lés limites de son habitation lors d’une époque
déterminée.
Si l’on rappelle ce que nous avons dit dans les articles
particuliers du requin et du squale roussette, sur
la grandeur de ces espèces à une époque un peu reculée
, on les verra nous offrir deux exemples bien
frappans de la cinquième modification qu’une espèce
peut subir, c’est-à-dire, de la diminution de grandeur
qu’elle peut éprouver. En effet, on doit en conclure
que les requins dont on a conservé des restes, et dont
nous avons mesuré des dents trouvées dans le sein de
la terre, l’emportoient sur les requins actuels par leur
grandeur proprement dite, c’est-à-dire, parleur masse,
par l’ensemble de leurs dimensions, dans le rapport de
T O M E I I , G