ravages dans les rivières. Le citoyen Noël nous écrit
que dans la basse Seine elles détruisent beaucoup
deperlans, de dupées feintes^et de brèmes.
Ce n’est pas cependant sans danger qu’elles recherchent
l’aliment qui leur convient le mieux : malgré
leur souplesse, leur vivacité, la vitesse de leur fuite,
elles ont des ennemis auxquels il leur est très-difficile
d’échapper. Les loutres, plusieurs oiseaux d eau, et
les grands oiseaux de rivage, tels que les grues, les
hérons et les cigognes, les pêchent avec habileté et les
retiennent avec adresse ; les hérons sur-tout ont dans
la dentelure d’un de leurs ongles, des espèces de crochets
qu’ils enfoncent dans le corps de l’anguille, et
qui rendent inutiles tous les efforts qu’elle fait pour
glisser au milieu de leurs doigts. Les poissons qui parviennent
à une longueur un peu considérable, et, par
exemple, le brochet et l’acipensène esturgeon, en font
aussi leur proie; et comme les esturgeons lavaient
toute entière et souvent sans la blesser, il arrive que,
déliée, visqueuse et flexible, elle parcourt toutes les
sinuosités de leur canal intestinal, sort par leur anus,
et se dérobe, par une prompte natation , à une nouvelle
poursuite. Il n’est presque personne qui n’ait vu
un lombric avalé par des canards sortir de même des
intestins de cet oiseau, dont il avoit suivi tous les
replis ; et cependant c’est le fait que nous venons d’exposer,
qui a donné lieu à un conte absurde accrédité
pendant long-temps, à l’opinion de quelques obser-
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vateurs très^peu instruits de l’organisation intérieure
des animaux, et qui ont dit que l’anguille entroit ainsi
volontairement dans le corps de l’esturgeon, pour aller
y chercher des oeufs dont elle airnoit beaucoup à se
nourrir.
Mais voici un trait très-remarquable dans l’histoire
d’un poisson, et qui a été vu trop de fois pour qu’on
puisse en douter. L’anguille, pour laquelle les petits
vers des prés, et même quelques végétaux, comme,
par exemple, les pois nouvellement semés, sont un
aliment peut-être plus agréable encore que des oeufs
ou des poissons, sort de l’eau pour se procurer ce genre
de nourriture, Elle , rampe sur le rivage par un mécanisme
semblable à celui qui la fait nager au milieu des
fleuves ; elle s’éloigne de l’eau à des distances assez
considérables , exécutant avec son corps serpentiforme
tous les mouvemens qui donnent aux couleuvres la
faculté de s’avancer ou de reculer; et après avoir fouillé
dans la terre avec son museau pointu, pour se saisir des
pois ou des petits vers, elle regagne en serpentant le
lac ou la rivière dont elle étoit sortie, et vers lequel
elle tend avec assez de vitesse , lorsque le terrain ne
lui oppose pas trop d’obstacles, c’est-à-dire, de trop
grandes inégalités.
Au reste, pendant que la conformation de son corps et
de sa queue lui permet de se mouvoir sur la terre sèche,'
l’organisation de ses branchies lui donne la faculté
gletre pendant un temps assez long hors de l’eau douce
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