embarcations, que leur arme se brise, et que la pointe
de leur glaive pénètre dans lepaisseur du bord , et y
demeure attachée, comme on y a vu quelquefois également
implantés des fragmens de l’arme dentelée du
squale scie , ou de la dure défense du narval.
Malgré cette vitesse, cette vigueur , cette adresse,'
cette agilité, ces armes, ce pouvoir, l’espadon se contente
souvent, ainsi que nous venons de le dire, d’une
nourriture purement végétale. 11 n’a pas de grandes
dents incisives ni laniaires ; et les rapports de l’abondance
et de la nature de ses sucs digestifs avec la longueur
et la forme de son canal intestinal, sont tels,
qu’il préfère fréquemment aux poissons qu’il pourroit
saisir , des algues et d’autres plantes marines : aussi sa
chair est-elle assez communément bonne à manger, et
même très-agréable au goût ; aussi lorsque la présence
d’un ennemi dangereux ne le contraint pas à faire usage
de sa puissance, a-t-il des habitudes assez douces. On
ne le rencontre presque jamais seul : lorsqu’il voyage,
c’est quelquefois avec un compagnon , et presque
toujours avec une compagne; et cette association par
paires prouve d’autant plus que les espadons sont
susceptibles d’affection les uns pour les autres , qu’on
ne doit pas supposer qu’ils sont réunis pour atteindre
la même proie ou éviter le même ennemi, ainsi qu’on
peut le croire de l’assemblage désordonné d’un très-
grand nombre d’animaux. Un sentiment différent de
la faim ou de la crainte peut seul, en produisant une
sorte de choix, faire naître et conserver cet arrangement
deux à deux ; et déplus leur sensibilité doit être considérée
comme assez vive , puisque la femelle ne donne
pas le jour à des petits tout formés, que par conséquent
il n’y a pas d’accouplement dans cette espèce, que cette
même femelle ne và déposer ses oeufs vers les rivages de
l’Océan que lors de la fin du printemps ou le commencement
de l’été, et que cependant le mâle suit fidèlement
sa compagne dans toutes les saisons de l’année.
La saveur agréable et la qualité très-nourrissante de
la chair de l’espadon font que dans plusieurs contrées
on le pêche avec soin. Souvent la recherche qu’on fait
de cet animal, est d autant plus infructueuse, qu’avec
son long sabre il déchire et met en mille pièces les filets
par le moyen desquels on a voulu le saisir. Mais d’autres
fois , et dans certains temps de l’année , des insectes
aquatiques s’attachent à sa peau au-dessous de ses nageoires
pectorales, ou dans d’autres endroits d’où il ne
peut les faire tomber, malgré tous ses efforts ; et quoiqu’il
se frotte contre les algues , le sable ou les rochers,
ils se cramponnent avec obstination, et le font souffrir
si vivement, qu’agité , furieux, en délire comme le
lion et les autres grands animaux terrestres sur lesquels
se précipite la mouche du désert, il va au-devant du
plus grand des dangers , ye jette au milieu des filets ,
s’élance sur le rivage , ou s’élève au-dessus de la surface
de l’eau , et retombe jusque dans les barques des
pêcheurs.