des lacs dans les fleuves qui en sortent, et des fleuves
vers les côtes maritimes.
Dans quelques contrées, et particulièrement auprès
des lagunes de Venise, le.s anguilles remontent, dans
le printemps, ou à peu près, de la mer Adriatique
vers les lacs et les marais, et notamment vers ceux de
Comipachio , que la pèche des anguilles a rendus
célèbres. Elles y arrivent par le Pô , quoique très-
jeunes; mais elles n’en sortent pendant l’automne pour
retourner vers les rivages de la mer, que lorsqu’elles
ont acquis un assez grand développement, et qu’elles
sont devenues presque adultes*, La tendance à l’imitation
, cette cause puissante de plusieurs actions très-
remarquables des animaux, et la sorte de prudence qui
paroît diriger quelques unes des habitudes des anguilles
, les déterminent à préférer la nuit au jour
pour ces migrations de la mer dans les lacs, et pour ces
retours des lacs dans la mer. Celles qui vont, vers la fin
de la belle saison, des marais de Commachio dans la mer
de Venise, choisissent même pour leur voyage les nuits
les plus obscures, et sur-tout celles dont les ténèbres
sont épaissies par la présence de nuages orageux. Üne
clarté plus ou moins vive, la lumière de la lune , des
feux allumés sur le rivage, suffisent souvent pour les
arrêter dans leur natation vers les côtes marines. Mais
lorsque ces lueurs qu’elles redoutent ne suspendent pas
leurs mouvémens, elles sont poussées vers la mer par
un instinct si fort, ou , pour mieux dire , par une cause
si énergique, qu’elles s’engagent entre des rangées de
roseaux que les pêcheurs disposent au fond de l’eau
pour les conduire à leur gré , et que, parvenant sans
résistance et par le moyen de ces- tranchées aux enceintes
dans lesquelles on a voulu les attirer, elles
s’entassent dans ces espèces de petits parcs-, au point
dè surmonter la surface de l’eau , au lieu de chercher
à revenir dans l’habitation qu’elles viennent de quitter
*.
Pendant Cette longue course, ainsi que pendant le
retour-des environs de la' mer vers les eaux douces
élevées , les anguilles se nourrissent, aussi-bien que
pendant qu’elles sont stationnaires, d’insectes, de vers,
d’oeufs et de petites espèces de poissons. Elles attaquent
quelquefois des animaux un peu plus gros. Le citoyen
Septfontaines en a vu une de quatre-vingt-quatre
centimètres présenter un nouveau rapport avec les
serpens, en se jetant sur deuxyeunes canards éclos de
la veille , et en les avalant assez facilement pour qu’on
pût les retirer presque entiers de ses intestins. Dans
certaines circonstances, elles se contentent de la chair
de presque tous les animiaUX morts qu’elles rencontrent
au milieu des eaux; mais elles causent souvent de grands
Voyage de Spallanzani dans les deux Sidles, vol. VI, pages 148 et J 5a,