xxviij d i s c o u r s
maux pour lesquelles nous sommes aidés par le plus
grand nombre de monumens déposés par le temps
dans les premières couches de la terre , et faciles a
découvrir, à décrire et à comparer.
Que l’objet principal de notre examen soit donc ,
dans ce moment, la durée de quelques unes des espèces
dont nous avons entrepris d’écrire l’histoire : en rapprochant
les uns des autres les résultats de nos efforts
particuliers , en découvrant les ressemblances de ces
résultats, en tenant compte de leurs différences , en
réunissant les produits de ces diverses comparaisons,
en soumettant ces produits généraux à de qouveaux
rapproehemens, et eu parcourant ainsi successivement
différens ordres d’idées , nous tâcherons de parvenir à
quelques points de vue élevés d’où nous pourrons indiquer,
avec un peu de précision, les différentés routes
qui, conduisent aux divers côtés du grand objet dont
nous allons essayer de contempler une des faces.
Le temps nous échappe plus facilement encore que
l’espace. L’optique nous a soumis 1 univers . nous ne
pouvons saisir le temps qu en réunissant par la pensée
les traces de ses produits et de ses- ravages , en découvrant
l’ordre,dans lequel ils se sont succédés, en comptant
les mouvemens semblables par lesquels ou pendant
lesquels ils ont été opérés.
Mais pour employer avec plus d avantage ce moyen
de le conquérir , méditons un instant sur les deux
grandes idées dont se compose notre sujet, durée des.
SU R LA D U R É E D E S E S P È C E S . xxix
espèces ; tâchons de ne pas laisser de voile au-devant de
ces deux objets de notre réflexion ; déterminons avec
précision notre pensée 3 et d’abord distinguons avec
soin la durée de Vespèce d’avec celle des individus que
l’espèce, renferme.
C’est pn beau point de vue que celui d’où l’on com-
pareroit la rapidité des dégradations d’une espèce qui
s’avance vers la fin de son existence , avec la brièveté
des instans qui séparent la naissance des individus, du
terme de leur vie. Nous le recommandons , ce nouveau
point de vue , à l’attention des naturalistes. En effet,
ni les raisonnemens d’une théorie éclairée , ni les conséquences
de l’examen des monumens , ne laissent
encore entrevoir aucun rapport nécessaire entre la
longueur de la vie des individus et la permanence de
l ’espèce. Les générations des individus paroissent pouvoir
être moissonnées avec plus ou moins de vitesse,
sans que l’espèce ait reçu plus ou moins de force pour
résister aux causes qui l’altèrent, ' aux puissances qui
l ’entraînent vers le dernier moment de sa durée. Un
individu cesse de vivre quand ses organes perdent leurs
formes , leurs qualités , ou leurs liaisons ; une espèce
cesse d’exister , lorsque l’effet de ses modifications successives
fait évanouir ses attributs distinctifs : mais les
formes et les propriétés dont l’ensemble constitue la
vie d’un individu , peuvent être détruites ou séparées
dans cet être considéré comme isolé , sans que les causes
qui les désunissent ou les anéantissent, agissent sur