Lorsque la Nature fixe le séjour d’une espèce auprès
d’un aliment particulier, la quantité que les individus
en consomment, n’est déterminée que par les besoins
qu’ils éprouvent.
L’Art, en altérant les individus par la nourriture,'
contraint leur appétit, les soumet à des privations , ou
les force à s’assimiler une trop grande quantité de
substances alimentaires. La Nature ne commande que
la qualité de ces mêmes alimens ; l’Art en ordonne
jusqu’à la masse.
Ce n’est qu’à des époques incertaines et éloignées,“
et par l’effet de circonstances que le hasard seul paroît
réunir, que la Nature rapproche des êtres qui, remarquables
par un commencement d’altératjon dans leur
couleur, dans leurs formes ou dans leurs qualités, se
perpétuent par des générations , dans la suite desarticies
particuliers de cette Histoire, comment un fluide très-chaud , très-
sec, ou composé de tel ou tel principe, pouvoit-donner la mort aux animaux
forcés de.le respirer par un organe peu approprié, et par conséquent comment,
lorsque faction de ce fluide n’.étoit pas encore aussi funeste, elle pouvoit
cependant altérer les facultés, diminuer les forces, vicier les formes des
individus, modifier l ’espèce, en changer les caractères, en abréger la durée.
Au reste, nous sommes bien aises de faire remarquer que l’opinion que nous'
avons émise en appliquant ces principes à la mort des poissons retenus
hors de l ’eau , est conforme aux idées de physique adoptées dans la Grèce
et dans l ’Asie mineui-e dès le temps d’Homère , et recueillies dans l’un des
deux immortels ouvrages de ce beau génie. Ce père de. la poésie européenne
compare en effet, daiis le vingt-deuxième livre de son Odyssée, les poursui-
vans de Pénélope, défaits par Ulysse , à des poissons entassés sur un sable
ar ide, regrettant les ondes qu’ ils viennent de quitter, et palpitant par
l'effet de la chaleur et de la sécheresse de l’airj qui bientôt leur ôtent la vie.
quelles ces traits particuliers , que de nouveaux hasards
maintiennent, fortifient et accroissent, peuvent
constituer une espèce nouvelle.
La réunion des individus dans lesquels on apperçoit
les premiers linéamens de la nouvelle espèce que l’on
desire de voir paroître, leur reproduction forcée, et
le rapprochement des produits de leur mélange, qui
offrent le plus nettement les caractères de cette même
espèce, sont au contraire un moyen puissant, prompt et
assuré, que l’Art emploie fréquemment pour altérer les
espèces , et par conséquent pour en diminuer la durée.
La Nature change ou détruit les espèces en multipliant
au-delà des premières proportions d’autres espèces
prépondérantes , en propageant, par exemple ,
l’espèce humaine, qui donne la mort aux êtres qu’elle
redoute et ne peut asservir, et relègue du moins dans
le fond des déserts, dans les profondeurs des forêts ou
dans les abymes des mers, les animaux dangereux qu’elle
ne peut ni enchaîner ni immoler.
L’Art seconde sans doute cet acte terrible de la Nature
, en armant la main de l’homme de traits plus
meurtriers ou de rets plus inévitables : mais d’ailleurs
il attire, au lieu de repousser; il séduit, au lieu d’effrayer;
il trompe, au lieu de combattre ; il hâte par
la ruse les effets d’une force qui n’acquerroit toute sa
supériorité que par une longue suite de générations
trop lentes à son gré; il s’adresse aux besoins des espèces
sur lesquelles il veut régner; il achète leur indé-
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