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la pente du terrein; on le voit fe fubnterger peu-à-peu
d’abord jufqu’au cou, & enfùite par-deffus la tête qu’il
ne tient pas plus élevée que s’ il étoit dans l’air ; il continue
de marcher fous l’eau, defeend, jufqu’au fond, & s y
promène comme for le rivage fèc ; c’eft à M. Hebert
que nous devons la première connoiffance de cette habitude
extraordinaire, & que je ne fâche pas appartenir à
aucun autre oifeau, Voici les obfervations qu’il a eu la
honte de me communiquer.
« J’étois embufqué fur les bords du lac de Nantua
» dans une cabane de neige & de branches de fapins, où
» j’attendois patiemment qu’un bateau qui ramoit far le lac,
» lit approcher du bord quelques canards fauvages ; j’ob-
» fervois fans être aperçu ; il y avoit devant n u . cabane,
» une petite anfe, dont te fond en pente douoe; pouvoit
„ aVoir deux ou trois pieds de profondeur dans fon milieu,
ri Un merle d’eau s’y arrêta, & y relia plus d’une heure
» que j’eus le temps de robferver tout à mon aife ; je le.
» voyais entrer dans l’eau, s’y enfoncer, reparaître à l’autre
» extrémité de l’anfe, revenir iùr fes pas ; il en parcourbit
» tout le fond & ne paroiffoit pas avoir changé d’élément f
« en entrant dans l’ eàu il n’héfitoit ni ne fe détournpit :
» le remarquai feulement à plufieurs reprifes, que toutes
« les, fois qu’il, y entroit plus haut que les.; genoux, il
» déployoit les ailes & les lailïpit pendre jufqu’à terre. Je
» remarquai "efiéôre que tant que je pouvois [’apercevoir
» au fond de l’eau, il me paroiffoit comme revêtu d’une
» couché
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couche d ’air qui le rendoit brillant ; femblable à certains
infeétes du genre des fearabées, qui font toujours dans
l ’eau au milieu d’uné bulle d ’air; peut-être n’abailfoit-il
fes ailés en entrant dans l’eau, que pour fe ménager cet
air ; mais il eft certain qu’il n’y manquoit jamais, & il les
agitoit. alors, comme, s’il eût tremblé. Ces habitudes
fingulières'.du merle d’eau étoient'inconnues à tous les
Chaffeurs à qui j’e n a f parlé, & fans le hkfard de la
cabane de neige?, je. les aurois peut-être auffi toujours
ignorées ; mais je puis aïfurer que i’oifeau venoit prefque
â mes pieds ,• & pour l’obférver long - temps je ne le
tuai point (d ), »
II y a peu de faits plus curieux dans l’hiftoire des
oifeaux, que celui que. nous1 offre cette obfèrvatron,
Unnæus avoit bien dit qu’on voit le merle d’eau def6
cendre & remonter les courans avec facilité (e); & Wil-
lughby, que quoique cet bîfoâu ne doit pas palmipède,
il ne laiffe pas de fe plonger; mais l’un & l’autre paroiffent
avoir ignoré la manière dont il fe fubmergépour marcher
au fond de l’ eau. On conçoit que pour cet'exercice,
il faut au merle d’eau, de-s fonds de-gravier & des eaux
cîairès, & qu’il ne pourrait s’accommoder d’une. èau
trouble, ni d’un fond de vafè *; auffi^fte le trouve-t-ori
que dans les pays de montagnes, aux fôurcés de? rivières'
(d) Note communiquée par M. Hgbert a M..!e qorote.de RufFon..
. ( e ) Fluenta defeendit afemditqut dexteritate fummâ.^ lice't Jffipfs.
Fauna Suec.
Oifeaux, Tome VIIU S