
animaux feroit fans doute la plus honteufè, fi l’on n’en
confidéroit pas l’origine & les premiers motifs : comment
l’homme en effet a-t-il pu s’abaiffer jufqu’à l’adoration
des bêtes i Y a-t-il une preuve plus évidente de nôtre état
de misère dans ces premiers âges où les efpèces nuifibles,
trop puiffantes & trop nombreufès, entouroient l’homme
folitaire, ifoié, dénué d’armes & des arts néceffaires à
l’exercice, de fes forces î ces mêmes" animaux devenus
depuis fes efclaves, étoient alors fes maîtres, ou du moins
des rivaux redoutables;, la crainte & l’intérêt firent donc
naître des fentimens abje&s & des penfées abfurdes, &
bientôt la fuperftition recueillant lès unes & les autres ,.fit
également des Dieux de tout être utile ou nuifible.
L ’Égypte efl l’une des. contrées où ce, culte des
animaux s’eft établi le plus anciennement & s’eft confervé,
obfèrvé le plus fcimpuleufemenj pendant un grand nombre
de fiècles ; & ce refpeét religieux qui nous efl attefté par
tous les monumehs, fembte nous indiquer que dans cette
contrée les hommes ont lutté très-îong-temps contre les
efpèces maifàifàïites.
En effet, les crocodiles, les ferpens, les fâutcrelles &
tous les autres animaux immondes renaifloient. a chaque
inftant, & puMuIoient fans nombre fur k vafte limon
d’une terre bafïe profondément humide & périodique-
ment abreuvée par les épanchemens du fleuve ; & ce limon
fangeux fermentant fous les ardeurs du Tropique, dut
foutenir long-temps & multiplier à l’infini toutes ces
générations impures, informes, qui n’ont cédé la terre à
des habitans plus nobles que quand die s’efl épurée.
Des ejfaims de petits ferpens venimeux, nous difènt les
premiers YMonensfé), fortis de la vafe échauffée des marécages
& volant en grandes troupes , eufent eaufé la ruine de
l*Égypte, j i les ïbis ne fujjern venus à leur rencontre pout
les combattre les détruire ; n’y a-t-il pas toute apparence
que ce fèrvice, auffi grand qu'inattendu, fut le fondement
de la fuperftition qui fûppofâ dans cés oifèaux tutélaires
quelque chofè de divin î les Prêtres accréditèrent cette
opinion du peuple ; ils affilèrent que les Dieux, s’ils
daignaient fè manifefter fous une forme fènfible, pren-
droient la figure de l’ibis. Déjà dans fa grande métamor-
.phofè, leur Dieu bienfaifànt, thotli ou Mercure, inventeur
des arts & des loix^ avoit fùhi cette transformation (c)p &
Ovide fidèle à cette antique mythologie, dans le combat
des Dieux & des Céans, cache Mercure fous les ailes
d’un ibis , &c. (a): mais mettant toutes ces fables à part,
il nous reftera l’hiftoire des combats de ces oifèaux contre
les ferpens. Hérodote allure être allé fur les lieux pour
(b) Herodût. Euterp. mon. y 6 . Éîien, Sônn? Mareelfinjjd’aprèk
toute l'antiquité. — De ferpeMïbua memorandi maxime ~}\ quos parvos
admodutti, fed veneni prcefentïs, tetto mni tempère, ex l\mo concretarum
paîudum mergere, in ntagrio exâmfnt ybfantes Ægyptam ttnâete> atque ih
ipjb, intrpitû jînium, 'ab avibus quasibidès vocànt, àdveèfb agnûne txcipi
pugnâque confia traditum eft. Mêla, lib. III, cap. v in .
| | g Plat. ,in Phcedr.
m Melam. lib. V.