tirer, l ’objet n’est pas rempli. Cependant depuis le commencement du
siècle, qu’on n’y a presque rien fait, la plupart des rivières ont charrié des
sables et du limon, et ont formé des bancs plus ou moins difficiles à enlever.
Il y en a dont les réparations sont surtout urgentes, à cause du commerce
considérable qu’elles desserviroient, ou de la facilité qu’elles procureraient
pour la distribution des grains et des denrées.
On a fait depuis 40 ans des ouvrages immenses pour les grands chemins
du Royaume j qu’il nous soit permis de nous occuper ici des chemins par eau,
qu’on n’a point entrepris de perfectionner, et qui semblent être à certains
égards, plus importans que les chemins de terre.
Les grandes routes ouvertes dans le royaume èont en si grand nombre,
que l ’entretien absorbe presque tous les fonds des ponts et chaussées ; il y
a même des routes faites dans presque toutes les Généralités, dont le public
ne peut-pas profiter, parce que les ponts ne sont pas encore faits, à
cause de la dépense $ c’est^en établissant des communications par eau, que
l ’on diminuera ces dépenses d’entretien, et qu’on pourra fournir à celles
qui restent à faire.
La navigation de la Seine depuis Rouen jusqu’à Paris, est si difficile
que l ’on préfère le transport des Marchandises par terre. On ne s’en ap-
perçoit que trop dans le département des ponts et chaussées, parles réparations
considérables qu’on est sans ^esse obligé de faire sur cette route.
La dépense de ces réparations augmente partout d’années à autres: les ingénieurs
de Champagne et de Picardie se plaignoient, il y a dix .ans, de
ce que par les réparations trop fréquentes, que les charrois extraordinaires
occasionnoient sur les grandes routes, le cailloutage commençoit à manquer
pour ferrer les chemins; les carrières qui sont à leur portée s’épui-
soient; il falloit tirer, les matériaux de loin , et cela écrasoit les paroisses
qui étoient commandées pour les transporter* Depuis la suppression des
corvées, la dépense que les provinces y feront, exige les mêmes ménage
mens.
Les transports se font presque tous par terre, à cause de la difficulté
des rivières: il n’y a que les marchandises d'un encombrement énorme
qu’on est forcé de transporter par les rivières, toutes les autres prennent
la voie des rouliers pour être voiturées d’une extrémité du Royaume à l’autre
; les fers mêmes (on le croiroit à peine , si la preuve de ce fait n’étoit
acquise à chaque instant), les fers prennent la route de terre pour venir
à Lyon, par exemple, depuis la Franche-Comté, au lieu de profiter du
Doubs qui passe auprès des forges de cette province; les fers du Berry
sont voiturés par charrois jusqu’à Orléans, et viennent même quelquefois
directement jusqu’à Paris* Cependant il est sûr que le prix de la voiture
s’ajoute "nécessairement à celui de la matière transportée; ainsi ces marchandises
voiturées par terre, reviennent à des prix excessifs. C’est ce qui
nous cause tant de désavantage dans le commerce avec l’étranger; car depuis
nos outils aratoires et les gros fers indispensables pour la construction
des vaisseaux jusques aux menus ouvrages d acier, nous ne pouvons soutenir
la concurrence avec letranger, et nos armateurs ou nos marchands sont
obligés de s’en fournir chez nos voisins.
Si l’on compare les modiques frais d’une voiture par eau, avec le prix
d’une voiture par terre: quelle différence énorme n’en résulte-1- il pas! Un
charriot attelé de six chevaux, conduit par deux hommes, ne porte que
deux ou trois milliers. Deux mariniers suffisent à un bateau chargé de trois
cents milliers. Un seul bateau épargne donc, et rend a la culture des terres
le travail de qoo hommes et de 600 Chevaux. La différence paraîtrait
à peine croyable, si le calcul et-les faits ne le démontraient pas; mais elle est
effrayante par toutes ses conséquences. Suivant des relevés exacts du nombre
des voitures occupées â transporter des marchandises dans l’intérieur du
Royaume, on compte en France au moins 20000 charriots; ce nombre est
même diminué de peur d’éxagération ; on les suppose n’étre trainés que par
deux chevaux, et conduits par un seül homme; on voit d’un coup d’oeil 40
mille chevaux et 20 mille hommes occupés à surcharger le prix des denrées
et marchandises du Royaume, et à détériorer les chemins qui exigent
plus de 100 mille hommes pour les réparer.
La seule traite du sel de Pécais parle Rhône'est composée de dix équipages
qui emploient 440 hommes et 400 chevaux, dont la dépense va au
moins à un million sans les péages : Si la Navigation du Rhône étoit perfectionnée,
ori en épargneroit peut-être la moitié, et la traite du sel n’est
pas la cinquième partie de la navigation du Rhône. Comment l’agriculture
et le commerce peuvent-ils résister à une charge si pesante, et se soutenir
encore (dans l’é tat, il est vrai d’une grande foiblesse) avec de si grands
désavantages P Cependant les chaussées et les grands chemins suivent les rivières,
et les côtoyent presque partout: on est surpris de voir le remède si
près du mal: les plus belles routes du monde et les plus utiles pour les
voyageurs, par la facilité et la brièveté de leur communication , placées
auprès des rivières sans navigation, et le commerce privé d’un secours naturel
qui est à sa portée, mais qui malheureusement est trop négligé* le
moindre hameau en profiterait si la navigation étoit établie*
Il n’est aucune province où l ’on n’ait fait des tentatives, des efforts
même, pour rendre navigables des rivières qui se joignent aux grands fleuves
, comme nous l’avons vu dans le détail des canaux projettés. Cepen-
V. B and. 21*