
Defcription
de la fonnette
ordinaire pour
enfoncer de
gros pilots.
P l .V I I I ,
Fig. 4.
Défaut de la
fonnette ordinaire
y avec la
maniéré de la
reftificr, &
d’eftimrr la
force des hom
mes qui font
j.ojucr le mou-
ton1.
108 A rchitecture Hyd rauliqu e, Liv r e ï , ■
un ou deux hommes à chaque pied de cette malle , fuivant fa
pefanteur.
Avant que de paflèr à la defeription des fonnettes, il eft bon
d’être prévenu que fur les travaux on a coutume de fe fervir du
terme à e f i c h e , pour exprimer la partie du pilot qui doit être enterrée
: par exemple, lorfqu’on veut l’enfoncer fur la profondeur
de dix pieds, on dit qu’il doit avoir dix pieds de f i c h e ; &. quand
il eft queftion de le mettre en fituation de recevoir le choc du
mouton, la manoeuvre que l’on fait pour le difpofer s exprime
en difant meure le p ilo t en fiche^
199. La fonnette ordinaire, repréfentéé par la quatrième Figure,
eft compofée de deux montans à couliffe B , appuyés de
A c u a lien s ou bra s G , pofés fur une f o / e E , Si attachés au ra n c h e rE ,
lequel eft aflèmblé par en-haut entre les deux montans, & par en-
bas à une fo u rch e tte H , liée avec la foie F. Ce rancher eft accompagné
de chevilles fervant d’échelons pour monter au fommet
de la fonnette. Le mouton A , deftiné à enfoncer le pilot D , eft
ordinairement un gros billot de bois fretté en haut Sc en-bas, pour
empêcher qu’il ne fé fende. Il a deux tenons ou oreilles, arrêtés
avec des clefs placées derrière, fervant à l’entretenir dans les
couliflès. 11 a de plus un anneau pour recevoir un crochet K répondant
à deux cordes M I L , paflant chacune fur fa poulie
placée au fommet des montans.
Le poids d’un mouton de bois eft ordinairement d’environ
800 livres, que vingt hommes éleventen tirant de haut en bas
autant de brins de corde C attachés aux précédentes , pour le
laifler retomber, par l’aétion de fon propre poids, fur la tête du
pilot, ce qu’ils redoublent coup fur coup jufqu’à 15 à 3,0 fois.
Alors celui qui conduit cette brigade, après avoir compté les
p e r c u jf io n s , crie au r e n a r d , qui eft le lignai pout reprendre haleine.
Enfuite ils recommencent une autre v o l é e , qui eft le nom
que l’on donne aux 1 5 ou 30 pereuffions immédiates ; ainfi alternativement,
tant que le pilot foit enfoncé à refus : apres quoi
l’on tranfporte la fonnette ailleurs , pour continuer à planter
d’autres pilots.
aoo. Quand l’on examine avec un peu d'attention les machines
dont on fait le plus d’ufage , il arrive rarement qu’elles fe trouvent
exécutées telles qu’elles devroient l’être pour remplir parfaitement
leur objet, péchant prefque toujours dans des parties
effèntielles qui en akerent confîdérabl'ement l’effet. Croiroit-on
que la fonnette dont nous parlons, ii ancienne &c 11 fimple, ait
C hap. VI. D es machines pour enfoncer les pilo ts. 109
été jufqu’ici dans ce cas là; que, malgré tant d’habiles gens qui
en ont fait ufage dans tous les tems, ce n’eft que depuis quelques
années feulement qu’on s’eft avifé de la reétifier ? Pour juger du
mérite de cette rectification , il convient d’examiner félon
quelle mécanique les hommes appliqués à une fonnette font
agir le mouton.
Un homme fe fervant d’une corde pour faire monter un poids
à l’aide d’une poulie , en tirant de haut en bas verticalement,
n’agit qu’autant qu’il applique à la corde une partie du poids de
fon corps, plus grande que le fardeau qu’il veut élever ; d’où il
réfulte qu’un homme ne peut élever par reprife , à l’aide d’une
poulie, un poids auili pefant que celui de fon corps, quelque nerveux
qu’il foit d’ailleurs. Sur quoi il eft à remarquer qu’élevant
les bras pour faifir la corde , fe pliant enfuiteiaullî bas qu’il lui
eft raifonnablement poffihle, il ne peut guere faire monter qu’un
poids de 70 livres, qui eft à peu près celui de la moitié de fon
corps, eftimë communément 140 livres. Nous avons fuppofé la
corde tendue verticalement ; car h elle étoit tirée de biais , la
partie du poidsdu corps qu’on y appliquera fera d’autant moindre
que l’obliquité fera plus grande, prife à l’égard de l’aétion de
la pefinteur de l’homme, & non pas de celle du poids qu’on veut
élever, puifque , par la propriété de la poulie, les bras de levier
font toujours les mêmes.
Pour appliquer ce raifonnement à la fonnette, confîdérez que P l .V I I I ,
les to hommes qui font appliqués aux brinsC , répondans à cha- fig ,
cune des cordes I L , ne peuvent tirer qu’obliquement par rapport
à la verticale I N , & même aulli à l’égard de la direélion des
deux cordes I L , puifque de part St d’autre ils font un cercle, où
ceux qui fe trouvent diamétralement oppofés , détruifent réciproquement
une partie de leur aélion ; ce qui eft ici un défaut
inévitable, puifqu’il faut néceflairement que les io hommes
foient placés à la ronde pour agir enfcmble. Il n’en eft pas de
même de l’obliquité de la direétion I L , qu’on peut rendre plus-
approchante de la verticale, en faifant palier la corde M I L fur
une roue de 4 à ï pieds de diamètre, au lieu que les poulies n’ont
ordinairement le leur que de 10 à 1 1 ponces. Alors il n’y a point
de doute qu’au lieu de 40 livres que chacun des 2.0 hommes de
la brigade emprunte du poids de fon corps pour élever un mouton
de 800 livres , il ne puiffe en exercer neuf à dix de plus , qui deviennent
un objet fur la quantité. C’eft ce que l’expérience a
confirmé , puifqu’en employant une roue au lieu des poulies,