1840. janvier.
blaieiit séparer quelques îles de glaces de la grande
niasse ; en adineüant que ces coupures s’étendaient
assez profondément pour isoler entièrement
les glaces que nous apercevions, celles-ci atteignaient
encore des grandeurs que nous n’avions jamais
vues parmi les glaces flottantes. Au loin, nous
apercevions des caps très-prononcés, des enfonce-
H.ci.xxiij. inenls ; mais tous ces accidents étaient toujours terminés
à la mer par une muraille droite et verticale
recouverte à sa base de glaçons plus petits. Ces débris,
résultant de l’effort continuel des eaux de la
mer contre ces masses glacées, annonçaient combien
les lames exercent peu d’action contre cet obstacle,
car malgré leur force, elles n’avaient pu arracher,
par leur choc incessant, que quelques morceaux peu
étendus.
Nous employâmes toute la journée à prolonger
cette côte de glace sur un espace de 20 à 25 lieues,
sans apercevoir de sommet dominant la plaine de
neige. Les falaises de la côte étaient trop élevées
pour nous permettre de distinguer les détails de l’intérieur.
Vainement nous interrogeâmes avec soin
tous ses contours, cherchant à y découvrir un rocher
ou un indice de terre quelconque ; partout nous
n aperçûmes que de la glace compacte réfléchissant,
de mille manières diverses, les rayons lumineux qui
venaient l’éclairer.
Dans la soirée, nous atteignîmes un cap saillant
de cette côte extraordinaire. Là, sa direction paraissait
se modifiei-, elle semblait fuir dans le sud-ouest,
et la clarté que nous remarquâmes dans cette direction,
après le coucher du soleil, nous indiqua
qu’elle s’étendait encore dans l’ouest à une très-
grande distance. Ce fut là que nous terminâmes cette
reconnaissance. A six heures du soir, avant de faire
route à l’ouest, nous profitâmes d’un instant où,
abrités par la glace, nos navires purent communiquer.
Pendant qu’un canot de VAstrolabe se rendait à
bord de la Zélée, nous envoyâmes à la mer un plomb
de sonde avec une ligne de deux cents brasses, mais
nous ne trouvâmes pas de fond. Un thermométro-
graphe avait été joint au plomb, il accusa à cette profondeur
un degré de moins encore qu’à la surface de
la mer. M. Dumoulin s’attendait plutôt à trouver une
augmentation de température qu’un refroidissement,
l’eau à la surface étant à zéro. Il attribua ce résultat
à là trop grande proximité des glaces. Pour ma part
j’admets assez volontiers son opinion, qui consiste à
croire que, lorsque l’eau de la surface de la mer est
à zéro, on doit bien plutôt s’attendre à une augmentation
de température dans des sondes de grande
profondeur.
Ainsi, pendant plus de douze heures, nous avions
prolongé cette muraille de glace parfaitement verticale
sur ses bords et horizontale à sa cime. Pas la
moindre irrégularité, pas la plus légère éminence ne
rompit cette uniformité dans les vingt lieues d’étendue
qui furent tracées dans la journée, bien que nous
en ayions passé quelquefois à deux ou trois milles de
distance, de manière à en suivre les moindres acci