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voisines, pêcher les tortues que nous avions demandées,
et pour lesquelles nous leur avions offert des
prix fort élevés. Le propriétaire d’un bateau malais
qui, du rivage de Java où est assise la ville d’Anjer,
nous avait vu nous diriger de ce côté, accosta aussi
nos corvettes avec quelques sacs de patates qu’il nous
vendit. Il nous donna lieu de supposer qu’il n’avait
pas fait un pareil voyage pour un si petit bénéfice,
mais nous pensâmes qu’il avait probablement été envoyé
pour nous observer. Toute cette partie de la
côte de Sumatra reconnaît, du moins nominalement,
la souveraineté de la Hollande ; cependant la compagnie
n’a aucun établissement permanent dans la
baie. Il y a là plusieurs petits villages, qui ont pour
chefs de petits radjas, dont les principaux reçoivent
une subvention du gouvernement de Batavia, à la
condition de rester tranquilles et de ne jamais s’allier
à ses ennemis. Le village de Tchanli dépend de Rajah-
Bassa, qui se trouve à cinq milles dans l’est, et qui a
donné son nom au mouillage. Du reste, toute cette
côte ne présente aucun abri et est assez difficile à
aborder.
Je ne quittai le bord que dans l’après-midi, et je
m avançai dans l’intérieur, en suivant un joli sentier
qui me conduisit au pied de la montagne à un
deuxième village moins considérable que celui de
Tchanti, mais comme lui entouré de belles prairies
et d’abondantes rizières. Nos chasseurs avaient fait
de ce lieu leur point de rendez-vous; ils avaient
ajouté quelques beaux échantillons à leurs captures
DANS L’OCÉANIE. 61
de la veille. Presque tous avaient les jambes couvertes
de plaies faites par les sangsues qui vivent
en grand nombre dans ces rizières , et qui, après les
pluies de la nuit, se trouvaient même répandues sur
tous les points de la forêt. MM. Dumoulin et Hombron,
suivis de deux hommes, avaient fait de vaines
tentatives pour atteindre le sommet de la montagne
et traverser la forêt ; les naturels, qui d’abord s’étaient
présentés en très-grand nombre pour leur servir de
guides, s’étaient peu à peu éloignés d’eux, lorsqu’ils
les avaient vus bien résolus à gravir la montagne.
Tous ces hommes leur disaient constamment que
cette ascension était très-dangereuse, à cause du
grand nombre de tigres qui y ont leur repaire ; et
lorsqu’ils virent que leurs conseils ne parvenaient pas
à arrêter nos chasseurs, ils finirent par les abandonner.
Ces messieurs essayèrent inutilement de traverser
la forêt, elle était tellement compacte et embarrassée
par des lianes, qu’ils durent y renoncer.
Nous opérions notre retour tous ensemble, lorsque
nous fûmes accostés par un des matelots de la Zélée,
homme de confiance de M. Jacquinot, qui déclara à
son capitaine qu’il venait d’être volé. Ce fait nous
étonna d’autant plus que les indigènes, habitués à
voir des navires européens et à trafiquer avec eux,
nous avaient toujours paru doux et bien intentionnés.
Ce fut pour nous une nouvelle preuve qu’il ne faut
pas toujours se fier aux apparences chez des hommes
habitués à dissimuler; Ton doit constamment se tenir
sur ses gardes contre leur penchant à s’approprier les