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milieu desquels il nous avait déjà fallu chercher
notre route, lorsque, dans la journée du 20, nous
avions voulu nous rapprocher de la terre. Nous
comptions autour de nous plus de cent cinquante îles
de glace, parmi lesquelles plusieurs personnes crurent
reconnaître quelques-unes de celles que nous
avions déjà vues dans la journée du 20. J’ai déjà
dit que toutes ces îles avaient à peu près le même
aspect, et bien que je ne crusse point qu’il fût
possible de les reconnaître à leur forme particulière,
je suis cependant persuadé que tous ces blocs
de glace étaient les mêmes que ceux au milieu desquels
nous avions chenalé dans la journée du 20.
Quoi qu’il en soit, les vents qui mollirent dans la nuit
en passant au sud et ensuite au S. E., nous forcèrent
bientôt à changer de direction. Je n’hésitai pas un
instant à engager nos corvettes au milieu de cette
chaîne de glaces flottantes, afin de sortir le plus
promptement possible du golfe où nous venions de
courir de si grands dangers.
Pendant la nuit, nous nous trouvâmes de nouveau
entourés par ces immenses murailles de glace qui
terminent les îles flottantes, et dont l’aspect, vu de
près, nous avait déjà paru si imposant. Il nous arriva
de nouveau plusieurs fois de nous trouver tellement
resserrés entre ces parois menaçantes, qu’il était à
redouter de voir à chaque instant nos corvettes entraînées
dans le remou que formaient les eaux de la mer
en se brisant à leur pied. La nuit avait un aspect sinistre.
Peu à peu le ciel se chargea de nouveau, et
nous dûmes nous féliciter d’avoir traversé cette
chaîne d’îles flottantes, lorsque le jour nous amena
de forts vents d’est et beaucoup de neige. Je donnai
la route au nord; à tout prix il fallait nous éloigner
de la terre ; la neige tombait en abondance et notre
navigation présentait encore les plus grands dangers.
Nous redoublions de soin et de vigilance pour apercevoir
les glaces, qui à chaque instant pouvaient
venir barrer notre route ; mais la brume était tellement
épaisse que, suivant toute probabilité, nous
n’eussions pas eu le temps de les éviter. A midi, la
vigie signala la banquise; nous n avions pas eu le
temps encore de manoeuvrer pour serrer le vent que
déjà nous étions engagés au milieu d’elle. Heureusement
c’était une fausse alerte ; les glaçons qui avaient
paru former un champ de glace solide, n’étaient que
des débris faciles à écarter. Il est cependant probable
qu’ils provenaient d’une banquise peu éloignée dont
une partie avait pu être desoudee par la violence du
vent. Quoi qu’il en soit, nous pûmes nous dégager facilement,
et comme alors le vent soufflait avec beaucoup
de force, nous mîmes à la cape courante, le
cap du navire étant au nord. Pendant toute la journée,
la neige ne cessa de tomber. Nous aperçûmes quelques
îles flottantes ; puis dans la soirée, nous nous
trouvâmes entièrement dégagés.
Dans la journée du 28, les vents repassèrent à
l’ouest. Le ciel se dégagea sensiblement, et à midi,
nous pûmes observer la latitude ; je remis aussitôt le
cap au sud, espérant pouvoir continuer la reconnais-
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