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raient de tous côtés, et, sans aucun doute, celles du premier plan
nous masquaient la vuedes plus éloignées. On avait aussi remarqué
dans la journée, à lasurfacedelamer, un grand nombre de
petits fragments de glace qui pouvaient provenir d’une banquise
peu éloignée ; cependant il est possible qu’ils fussent détachés
des grandes îles à la suite de quelque choc. En i838, la veille du
jour où la banquise vint barrer notre route, nous avions aussi
rencontré de pareils fragments , mais en plus grande abondance.
Une indication nouvelle du voisinage de la terre ou de la banquise
résulta de l’apparition subite d’un ou de deux manchots.
Dans la soirée, un albatros fuligineux vint décrire autour des
corvettes les larges spirales de son immense vol; une baleine
vint aussi souffler à plusieurs reprises non loin de nous. Tous
ces signes , interprétés dans un sens favorable à nos de.sirs , nous
tenaient en suspens. Tous les y eu x , toutes les lunettes interrogeaient
l’horizon trompeur , où naissaient et se dissipaient tour
à tour des apparences de terres éloignées. A chaque instant notre
ingénieur hydrographe , M. Dumoulin , s’élevait dans la mâture
pour vérifier la nature des apparences de terre signalées, et
chaque fois il constatait une eri’eur. Vers dix heures du soir, un
magnifique coucher du soleil vint illuminer de ses pâles teintes
les voiles de nos corvettes. Dans ce moment favorable à la vue
des terres éloignées, on n’aperçut plus que des bandes de brumes
peu distinctes, et sans contours bien arrêtés; une seule de ces
bandes conservait encore l’aspect d’une côte lointaine.
M. Dumoulin constata bien tô t, du haut de la mâture, que
cette apparence était produite par un nuage ; il en signala une
seconde un peu moins douteuse, qui vint attirer au même instant
l’attention du commandant ; mais tant de déceptions avaient
suivi, dans cette journée, les espérances que de semblables aspects
de l’horizon avaient fait naître, que la confiance primitive
s’était changée enune incrédulité complète. Le commandant d’Urville,
doué d’une des meilleures vues du bord, parut seul disposé
à croire à la réalité de l’existence de la terre dans cette direction.
Le jour ne cessa pas de régner pendant tout le temps delà nuit.
Une lueur rougeâtre, une aurore permanente, indiqua sans in -
termption la marche du so le il, abaissé seulement de quelques
degrés au-dessous de l’horizon. 11 reparut dans toute sa splendeur
vers une heure du matin. De toutes les apparences de terre
signalées, la dernière subsistait seule ; toutes les autres avaient
changé de contours ou s’étaient évanouies. Pendant cette courte
nuit sans ténèbres , on n’avail pas cessé de l’apercevoir, et aucune
modification n’était survenue dans sa structure. Cette persistance
confirma le commandant dans sa supposition, et fit balancer
l’opinion générale : on commença à douter. Bientôt on conçut
des espérances nouvelles ; quelques heures après et à mesure
que nous nous rapprochions, il n’y eut plus qu’un petit nombre
de dissidents qui ne fussent pas convaincus de l’existence
de la terre. A midi , il devint impossible de douter plus longtemps
; il était certain que la terre, une terre inconnue, élait
devantnous.il était impossible qu’une simple banquisepûtattein-
dre une pareille élévation en pleine mer. Malheureusement, aucune
tache noirâtre, aucune arête culminante, aucun rocher dénudé,
ne venait confirmer cette assurance. Une lueur assez vive
rayonnaltsurses contours, et sa surface présentait cette teinte jau-
nâtreque nous avions déjà remarquéesur la terre Louis-Philippe.
Un phoque à fourrure, un petit pétrel damier, plusieurs
manchots se montrèrent auprès de nous. Le cri désagréable des
manchots se fit entendre fréquemment, et nous en aperçûmes
plusieurs prenant leurs ébats à la surface de la mer calme ; ils
donnaient quelque vie à ces mornes et tristes solitudes Le nombre
et la grosseur des glaces étaient devenus de plus en plus considérables.
C e nombre avait varié de 86 à 8o dans la journée ; nous
nous trouvions entourés de toutes parts dans une enceinte de blocs
formidables , au milieu desquels un calme complet vint nous surp
r e n d r e . Labrise, devenue faible et variable du S. O . à l ’E. S. E .,
nous faisait à peine filer cinq dixièmes de noeud.
L’équipage reçut la permission de profiter de cette admirable
journée pour mettre à exécution le projet qu il avait formé de
célébrer l’approclie du cercle polaire austral et la découverte de