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étions ; surtout avec des hommes aussi fatigués que l’étaient nos
marins, qui avaient eu les mains presque gelées en prenant des ris.
Nous virâmes de bord près de grandes glaces, et nous aperçûmes
après que nous tombions encore beaucoup sous le vent par rapport
à elles, quoiqu’elles fussent entraînées elles-mêmes vers
l’ouest. A deux heures du matin , nous reprîmes le large. A quatre
heures du matin, le vent soufflait toujours bon fi’ais, mais
nous nous aperçûmes avec plaisir qu’avec la voilure que nous
avions nous commencions à nous maintenir. Nous atteignîmes à
huit heures la tête de la banquise, après avoir été obligés plusieurs
fois de laisser arriver ; on reconnut alors les grandes montagnes
de la veille. Une de nos vigies crut apercevoir VAstrolabe
dans le N. E.; quoique, en nous séparant d’elle, nous l’eussions
laissée auvent, nous n’en étions pas moins très-inquiets sur son
compte. Nous virâmes alors de bord, et on changea aussitôt après
la grande voile, ce qui nécessita deux heures et demie de travail,
malgré tout le zèle qu’y mirent nos gabiers ; nous suivîmes ensuite,
le cap sur la terre, la banquise à 5 ou 6 milles.
Dans la journée du 2 7 , le vent devint grand frais et le temps
tellement sombre, à cause de l’épaisseur de la neige, que nous fûmes
obligés de veiller, avec la plus grande attention, pour ne pas
rencontrer de glaces, car avec une vitesse aussi considérable que
celle que nous avions, on aurait eu difficilement le temps de
manoeuvrer. A quatre heures nous eûmes une terrible alerie;
nous tombâmes tout à coup au milieu d’une grande quantité
de petits débris de glaces ; la mer était déjà très-grosse, ils annonçaient
ou le voisinage de quelque île ou bien des débris de
banquise entraînés au large : nous mîmes aussitôt en travers , ce
qui fut fort heureux pour n o u s , car à quatre heures et demie on
vit tout à coup de très-près une île de glace de la plus grande dimension
, et nous n’eûmes que le temps de laisser porter pour la
ranger presqu’à toucher sous le vent. Comme sa hauteur dépassait
notre mâture, nous ressentîmes en passant de fortes rafales
comme sous un cap escarpé. La neige se détachait par tourbillons
de la surface de son sommet ; la mer brisait avec fureur sur
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ses flancs, la teinte sombre de l’horizon et la violence du vent
donnaient un aspect lugubre à cette masse errante. Nous ne pouvions
nous dissimuler que nous pouvions à chaque instant en
rencontrer une pareille sous notre beaupré et nous perdre dessus :
c’était le danger de tous les instants de cette navigation, mais
le passé nous donnait de la confiance en l’avenir, et nous reprîmes
après notre route au N. O. au milieu des ténèbres. La neige
ne cessa pas de tomber un instant pendant la nuit. Des hommes
étaient occupés sans cesse à enlever celle qui couvrait le pont et
les manoeuvres. Les agrès et toutes les autres parties du navire
en avaient une couche épaisse qui donnait la teinte d’hiver
la plus prononcée. Nous étions obligés de naviguer de très-près
pour ne pas nous perdre, et cependant, très-souvent nous perdions
de vue XAstrolabe , malgré l’attention constante que nous
lui prêtions. A quatre heures du matin, nous changeâmes déroute
et vînmes à l’O. S. 0 . Nous avions déjà fait beaucoup de chemin
dans le nord. Le vent continua toujours à être très-frais ; mais à
six heures le temps s’éclaircit et nous aperçûmes de loin deux
grandes îles entre lesquelles nous passâmes ; nous avions été assez
heureux pour n’en pas rencontrer dans la nuit.
Le 29 janvier, le temps devint beaucoup plus doux, et ce fut la
première fois depuis longtemps que le thermomètre monta au-
dessus de zéro ; aussi le dégel fut complet ; mais la grande humi-
di té, l’absence du soleil touj ours voilé par du brouillard, et la grosse
mer qui ne cessait de nous tourmenter, nous firent peu apprécier
ce changement; nous regrettions toujours les beaux jours
que nous avions passés sur la côte avant le coup de vent, malgré
que le froid fût alors assez vif. Nous fîmes route a u S . S .O .
jusqu’à quatre heures. Alors on crut apercevoir la banquise et
nous mîmes aussitôt le cap au N. N. 0 . A cinq heures , à notre
grande surprise, nous aperçûmes dans le N. N. E. un brick qui
faisait route sur nous sous toutes voiles ; il mit, en nous approchant,
les couleurs américaines, et nous le reconnûmes pour un
des bâtiments de l’expédition de cette nation que nous savions à
Sidney, quand nous quittâmes Hobart-Town. Il parut nous