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nous employâmes alois notre temps à parcourir le plateau, ù
recueillir quelques fleurs et à y clierclier de l’eau pour nous
désaltérer. J’en sentais, pour mon compte, vivement le besoin,
et fus beureux de trouver dans la partie nord du plateau un petit
marais dont feau, renouvelée souvent par les pluies, était excellente.
Nous attendîmes alors plus patiemment M. Dumoulin et
sa caravane qui devait nous apporter notre déjeuner ; mais notre
attente fut vaine : ces messieurs s’étaient égarés en route, et n’atteignirent
avec tous leurs instruments le sommet de la monlague
qu’à cinq heures du soir. Nous y restâmes jusqu’à deux heures
de l’après-midi, espérant toujoui s les voir arriver, et fûmes enfin
obligés de nous contenter d’un peu de biscuit que j’avais eu la
précauliou de porter avec m o i, déjeuner par trop frugal, bien
différent de celui que j’avais promis à mon compagnon. D e puis
que le ciel s’était couvert, le vent était devenu pénétrant;
nous nous empressâmes donc de nous mettre en marche pour
descendre la montagne, ce qui exigea dans le principe encore
plus de précautions qu’en montant, car on courait risque d’être
écrasé par les blocs de pierre qui se détachaient sur notre passage.
A mesure que nous descendîmes , la température devint
douce, le brouillard se dissipa, et nous n’avions pas encore atteint
la limite de la forêt que déjà nous avions retrouvé le beau
ciel du matin. A cinq heures seulement nous étions de retour à
la ville, très-fatigués l’un et l ’autre, et surtout très-affamés.
Pour mon compte, j’étais néanmoins Irès-conlenl d’avoir fait
celte ascension. Les Anglais en font fréquemment le but de leurs
parties, et ou m’en avait souvent parlé dans les salons. Je recueillis
dans celle course un assez grand nombre de plantes, et
j’acquis surtout du pays l’idée la plus complète que je pouvais
me procurer, sans voyager dans l’intérieur, ce qui était foi t coûteux
et ce qui exigeait un temps que je ne pouvais pas y consacrer.
Le mont Wellington, qui est considéré ici comme le point
culminant de Van-Diénicn-Land , est à un peu moini de 4ooo
pieds de hauteur. J’évaluai à trois lieues le chemin qu’on est
obligé de parcourir pour se rendre au sommet.
Déjà nos préparatifs de départ étaient laits; des arrangements
avaient été pris pour les malades que nous laissions à l’hôpital,
sous la direction de M. Hombron, chirurgien-major de ï Astrolabe.
La journée du 3i décembre fut employée à régler tous les
comptes et à embarquer le reste des provisions fraîches. Trois de nos
hommes, qui furent jugés moins malades que les autres, rallièrent
le bord ; on s’était décidé à laisser M. Goupil, qui se trouvait dans
un état désespéré, ainsi que les nommés Coutelenq,Michel, Bru-
net , Baudoin , Martini, Stahl, matelots, encore très-gravement
malades ; et les nommés Robert, capitaine d’armes, et Sureau ,
quartier-maître de timonnerie, chez lesquels la maladie avait pris
un caractère chronique inquiétant. Nous avions réussi avec bien
de la peine à recruter en tout douze hommes, dont six Anglais, ce
qui nous faisait un effectif de soixante-six hommes.
Le 1®’’janvier, dès la pointe du jour, le pilote vint à bord, et
nous mîmes à la voile; mais lèvent s’étant élevé très-fi-ais du sud,
nous jetâmes l’ancre de nouveau à trois milles dans le S. E. de la
ville par 3o brasses. Un peu avant d’appareiller, nous apprî mes
avec un v if sentiment de peine que la mort venait de
mettre un terme à la longue et pénible agonie de notre infortuné
camarade et am i, M. Goupil, peintre de l’expédition , et ce fut
pour nous un vif chagrin d’être privés, par notre départ, de lui
rendre les derniers honneurs. Quoique ce malheur fût prévu de
puis plusieurs joui’s, nous en fûmes tous très-impressionnés, car
il n’était personne qui n’appréciât les heureuses qualités de coeur
qu’il possédait, et ne vit avec beaucoup de peine un jeune talent,
qui promettait autant que le sien , s’éteindre à la fleur de l’âge ,
après une longue et pénible campagne , à laquelle la passion des
arts et des voyages lui avait fait tout sacrifier ; jamais son noble caractère
ne s’était mieux dessiné que dans sa longue et cruelle agonie,
que nous lui vîmes supporter avec tant de courage et de résignation,
et pendant laquelle il dicta, avec le plus grand calme,
ses dernières volontés, donna des souvenirs à chacun de nous,
pensa jusqu’au dernier moment à sa famille , et témoigna la plus
vive reconnaissance à tous ceux qui lui donnaient des soin s, el
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