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Ce même jour les calmes nous permirent de communiquer
avec la Zélée. Ce navire avait enseveli dans
les flots, le matin même, une nouvelle victime. « A
cinq heures du matin, dit M. Jacquinot, nous perdîmes
le nommé Bajat, matelot de première classe;
jeune, plein de courage et d’intelligence, d’une conduite
et d’une tenue exemplaires. Ce marin était
considéré comme le meilleur homme de l’équipage;
esclave de son devoir, et croyant n’être atteint
que d’une indisposition légère, il ne s’était
présenté au médecin que très-tard, et lorsque toute
guérison était presque impossible. Il fut vivement
regretté par tous ses officiers et par tous ses camarades.
»
Le canot de la Zélée, qui m’en apportait des nouvelles,
était monté par M. Legnilloii. Ce médecin
avait pour mission réelle de me rendre un compte
détaillé de l’état sanitaire de l’équipage de la Zélée,
et ensuite il devait se concerter, avec ses collègues
de VAstrolabe, sur les moyens les plus propres à
combattre le terrible fléau qui nous décimait. Il
demanda, en arrivant, à me parler en particulier.
Chaque officier, chaque homme de \Astrolabe comptait
de nombreux amis dans l’équipage de la Zélée;
aussi chacun était-il désireux de connaître le rapport
que M. Leguillou allait me faire. J’insistai pour qu’il
me fît part, sur le pont, de ce qu’il avait à me
dire; mais, sur ses instances réitérées, je descendis
avec lui dans ma chambre ; là il me rendit compte
d’abord de l’état sanitaire de son bord ; deux hommes
DANS L’OCEANIE. 79
étaient morts, deux antres se trouvaient dans un état
désespéré; douze étaient alités, et on ne pouvait rien
prévoir sur l’issue de leur maladie. Enfin, MM. Pavin
de la Farge et Goupil paraissaient être grièvement
atteints. Après ces nouvelles, M. Leguillou m’annonça
qu’il était chargé, par MM. les officiers de la Zélée, et
nominativement par MM. Dubouzet, Montravel et
Conpvent, de me demander de changer de route pour
relâcher le plus promptement possible, soit à la rivière
des Cygnes, soit à Vile de France. Pendant quelques
instants, je ne pus croire à une semblable démarche.
Les officiers dont les noms se trouvaient si singulièrement
compromis, étaient précisément ceux en qui j’avais
la plus grande confiance; d’ailleurs, en toutes
circonstances, j’avais toujours vu avec une vive satisfaction
tous les officiers des deux états-majors, sans
exception, braver avec un courage admirable tous les
dangers de notre position. Je savais, d’un autre côté,
que M. Leguillou était loin d’avoir su, par sa conduite,
mériter l’affection et l’estime de ses camarades ; aussi
ma première impression, en recevant une demande de
cette nature, faite par un pareil ambassadeur, fut de
douter de sa sincérité. Toutefois, les assertions de
M. Leguillou devinrent tellement positives, que je
finis par les prendre en considération. Je le congédiai
en le priant d’aller de nouveau consulter MM. les officiers
de la Zélée, et de leur dire que j’attendrais une
demande par écrit et signée par eux tous, pour changer
ma détermination, bien arrêtée, de conduire nos
corvettes directement à Hobart-Town. Je lui annonçai
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