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énorme estomac en était rempli’ . Nul doute, cependant,qu’ils ne
soient friands , comme tons les singes , de quelque matière animale
: on connaît le goût des quadrumanes en général pour les
petits oiseaux : je soupçonne que l’espèce qui nous occupe ici
recherche les petits poissons ou autres petits habitants des vases
soumises aux alternatives du flux et du reflux de la mer. Probablement
notre présence en ce lieu a singulièrement troublé cette
seconde partie de leur repas , dont l’heure était arrivée.
Je crois que le long nez du nasique lui sert d’organe du
toucher.
11 restait à expliquer comment il se fait que ces animaux se
trouvent en aussi grand nombre sur une île aussi peu étendue?
L’île du Milieu, tel fut le nom que nous donnâmes de loin à
cette forêt de palétuviers, est trop circonscrite pour admettre
qu’une pareille nuée de singes lui appartienne exclusivement.
Aux premiers coups de fusil, il se fit un tel mouvement sur
tous les arbres , qu’il semblait que leurs branches se métamorphosaient
; ces nasiques étaient là par centaines. Un
grand nombre, profitant de notre immobilité forcée, s’éloignèrent
rapidement, de branche en branche, vers l’extrémité N. 0 .
de la forêt ; d’autres, surpris sur des arbres trop isolés, et n’osant,
dans cette circonstance, hasarder des sauts par trop périlleux
, se cachèrent derrière les plus grosses et les plus hautes
ramifications, ne laissant voir que leurs têtes ; d’autres enfin,
éperdus, hésitèrent sur le parti qu’ils avaient à prendre et furent
tués ou blessés sur les branches où ils s’étaient engagés trop
étourdiment. Cette grande population est bien certainement une
fraction de celle de l'archipel entier des îles Pamarong, et n’appartient
point à la petite localité où nous l’avons rencontrée.
L’île dn Milieu a environ une lieue du S. E. au N. 0 . , et sa
largeur est à peine de cent pas. Ces animaux traversent à gué,
pendant le jusant, certaines parties des canaux qui séparent les
• Cet estomac est multiloculaire comme celui des ruminant s . Voir la zoologie
du voyage (mammifères); les comptes rendus de l ’Acad. des sciences (séance du
lundi 21 juillet IS-iM).
îles, et se rendent ainsi où la certitude du butin les attire. Rien,
en effet, dans l’organisation extérieure de ces singes, ne justifierait
l’idée d’en faire des nageurs, à cet égard ils ressemblent parfaitement
à tous les singes possibles, ils sont fort peu propres à
ce genre d’exercice.
Les crocodiles à double bande abondent sur ces côtes ; si nous
n’en avons pas rencontré sur ces bancs de vase , ii faut peut-être
l’attribuer à l’heure avancée de cette marée basse, qui fut aussi
celle de notre débarquement sur ces îles inhospitalières : en effet,
ces animaux sont nocturnes , ils chassent principalement la nuit,
et restent souvent étendus au soleil sur la vase, pendant le
temps de leur stupeur digestive ; ils se replongent sous l’eau vers
la fin de la journée. C’est ce que j’ai pu observer dans la rivière
de Santos, à 6 o lieues au sud de Rio-Janeiro. Un individu
vivant, que nous avons longtemps conservé à bord de
XAstrolabe, appartenait à l’espèce dite à double bande : il s’agitait
beaucoup la nuit, il cherchait à rompre ses liens, et ses
yeu x , toujours clos pendant le jour, brillaient constamment
dans l’ombre d’une étonnante phosphorescence; une pareille rencontre
sur l’île du Milieu eût été des plus fâcheuses ; personne
de nous n’y pensa, mais ceux qui nous suivront dans la cai-
rière feront bien de se tenir pour avertis. Afin de chasser
commodément et sûrement le nasica, sur les îles Pamaïong, d
faudrait être muni d’un petit bateau plat pour aborder sans êire
obligé de se jeter à l’eau, et de patins ou planchettes, pour marcher
sur la vase sans y enfoncer ; encore fera-t-on bien de se méfier
des fondrières.
Etant sur ce terrain vaseux, nous avons remarqué un phénomène
assez singulier, qui mérite d’ètre mentionné ic i, quoiqu’il
n’ait rien que de très-facile à comprendre. Nos cris, quelque
forts qu’ils fussent, ne se faisaient entendre qu à lo ou i5 pas
de distance. Cette circonstance rendait nos communications
très-difficiles, et irritait encore l’impatience de ne pouvoir agir
librement. Nos coups de fusil faisaient aussi peu de bruit , et
celui qui en résultait paraissait pai fu du haut des arbres, du