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la terre , par une fête burlesque analogue à celle qui se pratique
au passage de la ligne. Au lieu d’un baptême intempestif, le programme
indiquait une communion, bien mieux adaptée à la rigueur
du climat. Le père Polaire , sa femme, son aumônier , ses
officiers et ses suivants, couverts de vêtements blancs , dont la
vue donnait le frisson par la température qui régnait, envahirent,
à un signal donné, l’arrière du navire, et commencèrent
la cérémonie, à laquelle tout le monde se soumit, depuis le
commandant jusqu’au dernier mousse. L’équipage entier but
dans le même verre au succès de l’expédition, et ce fut une occasion,
pour plusieurs de ces braves et excellents marins, de témoigner
de leur dévouement et de leur confiance sans bornes.
Quelques instants de gaieté dans les plus tristes contrées du
monde leur firent oublier leurs peines passées. Des acclamations
joyeuses retentirent dans ces lieux vierges encore du son
de la voix humaine ; elles saluèrent la découverte de la terre, qui
assurait un succès honorable aux efforts de l’expédition. Au sein
de cette scène grandiose et imposante , dans cette profonde solitude,
la vue de ces frêles navires, dominés par les éclatantes parois
de glaces gigantesques, l’explosion de l’enthousiasme de cet
équipage, fêtant aux limites du monde le triomphe de l’audace
humaine, offraient un spectacle qui touchait au sublime, et dont
le souvenir vivra toujours dans les souvenirs de ceux qui y ont
assisté.....................
Lne belle soirée termina ce beau jour. Le soleil se coucha à
onzeheures, pour reparaître sur l’horizon vers une heure du matin,
aussi radieux que la veille ; il n’avait presque pas régné de
nuit, et on avait pu toujours lire sur le pont. Lne légère brise
du S. E. nous pei’mit de nous rapprocher de la terre, dont les
dimensions grandissaient de plus en plus, mais dont les abords
étaient défendus par une ligne d’îles de glace innombrables.
Déterminé cependant à acquérir la preuve irrécusable de notre
découverte , le commandant n’hésita pas à aventurer les deux
corvettes dans les étroits canaux de ce labyrinthe de glace. A
sept heures moins un quart, la route fut donnée à l’O. S, O., et
bientôt nous nous trouvâmes engagés dans les passages rétrécis
qui séparaient ces iles flottantes. Entourés bientôt de toutes parts
par une succession continuelle de parois éblouissantes, nous
suivîmes une route difficile et tortueuse. La hauteur de ces blocs
énormes dépassait de beaucoup celle de notre mâture et rapetissait
à rien le corps des corvettes, dont le volume, ainsi réduit,
donnait un point de comparaison pour mesurer ces masses colossales.
Cet aspect était pi’odigieux et nous frappait d’étonnement.
On ne saurait mieux décrire cette scène qu’en comparant ces
masses gigantesques aux blancs édifices d’une ville de géants bâtie
dans l’eau , coupée en tous sens par des canaux sinueux. Des
crevasses, des caveimes, des trous, creusés par la mer à la base de
ces monuments, figuraient tantôt l’entrée d’un souterrain, tantôt
des fenêtres ornées de draperies ; d’autres fois les arceaux d’une
porte d’église ou la voûte d’une cave. Le soleil, pi’ojetant d’obliques
rayons sur ces éclatantes falaises, produisait des jeux
d’ombre et de lumière impossibles à décrire. Dômes immensess ,
hardies coupoles, palais éblouissants, châteaux de diamant,
naissaient tour à tour dans les découpures de la glace et captivaient
l’attention autant qu’ils fatiguaient l’oeil ébloui par leur
éclat.
Aucun accident ne signala notre passage dans les détours de
ces îles; nous atteignîmes heureusement''un espace plus dégagé
et plus rapproché de la terre. Alors il ne fut plus possible de
douter de son existence ; la terre était certainement devant nous,
mais une terre entièi’ement couverte d’une enveloppe profonde de
glace et de neiges ; d’immenses falaises la terminaient à la mer et
ne paraissaient offrir aucun point abordable; de là , sans aucun
d ou te , s’étaient détachées , avec le premier retour de la
chaleur, les innombi'ables îles de glace que nous venions de
traverser. Sur le sommet de quelques-unes de ces îles les plus
rapprochées de la terre, on remarquait des déchirures, des élévations
inégales, comparables à une multitude de cheminées élevées
sur une terrasse. Sur la terre, vers le milieu de la distance
qui séparait les hauteurs du rivage, on apercevait de pareilles élé