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mêmes. Enfin, notre canot partit avec deux officiers, à 6 heures du
soir environ, el se dirigea à forces de rames vers les îlots aperçus ;
vers cette terre que pas un être humain n’avait touchée, ni vue,
avant nous. Les deux canots arrivèrent presque en même temps, et
prirent, suivant l’antique usage, possession des lieux au nom de la
France; on vida une bouteille de Bordeaux en l’honneur du pavillon
français, hissé sur le sommet de l’îlot le plus élevé. Sans
doute, personne ne disputera à la France cette propriété, qu’on ne
reverra peut-être jamais ; incontestablement, notre patrie clle-
mème n’en sera pas enrichie, mais elle sera en droit de s’enorgueillir
de cette découverte, achetée au prix des peines de ses
enfants et des périls sans nombre qu’elle a coûtés.
Le 24 au matin , nous fûmes désappointés en nous retrouvant
encore dans la partie N. E. de la banquise que nous avions bon
espoir de pouvoir doubler; mais nous ne pouvions nous douter
que de forts courants nous porteraient dans l’ouest, et détruiraient
tout notre ouvrage ; tout était à refaire ; nous reprîmes
donc la bordée de terre avec résignation , mais en maugréant un
peu contre notre mauvaise fortune, bien que nous fussions loin
de nous attendre aux misères et aux dangers qui nous menaçaient.
A peine, en effet, eûmes-nous viré de bord, que le vent commença
à fraîchir avec des apparences de temps peu rassurantes ; nous
tînmes de la toile tant que nous pûmes ; mais bientôt il fallut sou
ger à en diminuer. Il nous arriva alors ce qui arrive généralement ;
c’est que lorsqu’on tarde à diminuer de toile, le vent augmente
plus vite que vous ne pouvez serrer, et vous perdez vos voiles.
Pour comble fie malheur, nos écoutes d’hune en chaînes déjà
vieilles, el trop faibles dès le principe, manquèrent à plusieurs
reprises fune après l’autre ; avaries légères dans les circonstances
ordinaires de la navigation, mais presque de vie ou de mort dans
la position critique où nous nous trouvions. La neige tombait
en telle abondance, qu’à peine on voyait à une longueur de na-
viie autoui du bâtiment, et nous courions, par une vraie bourrasque
, au milieu d’un golfe seme d’îles de glace, dont la pins
petite nous eût infailliblement fait couler immédiatement, si nous
l’eiissions abordée. Qu'on joigne à cet imminent danger de tous les
instants, celui de notre situation entre une banquise el une terre
dont les côtes élaient pai’semées d’immenses glaces, dont les débi’is
encombraient les passages ; de plus, l’incertitude où nous étions,
par l’affolement de nos compas, des routes que nous suivions , et
un f) oid intense qui paralysait nos hommes , dont toutes les forces
suffisaient à peine pour les retenir sur les vergues, et dont les
mains ne pouvaient plus saisir les manoeuvres durcies par la gelée;
qu’on fasse, dis-je, la somme de toutes ces circonstances, et qu’on
juge de notre position.
A 5 heures du so ir , nous trouvant tout à coup au milieu de
débris de glace, nous nous jugeâmes peu éloignés de terre ; surpris
par f apparition subite de gi-auds glaçons sous le vent à n ous, nous
vij'âmes de boi'd avec la plus grande promptitude, sans avoir
le temps de prendre les précautions qu’exigeait le temps ; aussi
eûmes-nous notre foc et notre grande voile emportés ; ce qui nous
réduisit à courir l’autre bordée sous le petit hunier, l’artimon et
le foc d’artimon , notre grand hunier ayant eu uu peu avant une
écoute cassée; dans ce moment nous perdîmes V Astrolabe de sue,et
dès-lors nous n’eûmes plus à nous occuper qu’à nous tirer d affaire,
pour lui être plus tard de quelque utilité, s’il lui arrivait
malheur. Enfin, grâce aux efforts de tout le monde, nous nous
ti’OLivâmes, vers 6 heures, établis sous les trois huniers au bas
ris, que la violence du vent menaçait à chaque instant de nous
emporter, auquel cas nous étions probablement perdus sans ressources;
mais heureusement ils tinrent bon ; vers 1 1 heures du
soir, le temps s’étant un peu éclairci et le vent ayant un peu diminué,
nous pûmes juger de notre situation, dont nous n’avions
pas eu jusque-là une idée complète. La banquise s’étendait sous
le vent à nous, à six et huit milles environ, et en avant d’elle se projetait
une longue ligne de grandes îles de glace, qui probablement
étaient appuyées sur elle. Par différents glaçons que nous avions
vus la veille avant qu'il neigeât, nous pûmes apercevoir que nous
n’avions pas beaucoup perdu, malgré les avaries multipliées que
nous avions faites. Le vent, moins violent, nous permit de mettre