jîwier. pointe dans Test, mais bientôt la vigie
annonça de nouveau les glaces solides devant nous.
La banquise s’étendait dans le nord-est à toute vue,
prolongeant ainsi le golfe dans lequel nous étions
engagés. Dès ce moment, je commençai à serrer le
vent; mais, reconnaissant bientôt que nous ne pouvions
doubler les glaces de la bordée , nous virâmes
de bord pour courir de nouveau sur la terre. Pendant
cet intervalle, la brise fraîchit subitement ; la mer
devint très-grosse, et en peu d’instants notre position
fut des plus fâcheuses. Heureusement l’espace au
milieu duquel nous étions obligés de courir n’était
pas trop encombré par les glaces flottantes. Une
vingtaine seulement étaient en vue : obéissant k l’impulsion
des vents, elles dérivaient visiblement vers
la banquise. Vers une heure, le vent souffla par rafales
avec une force extraordinaire. La neige tomba
en tourbillons et vint nous masquer la terre. Notre
horizon alors ne s’étendit pas à plus de trois encâblures,
et notre navigation devint des plus dangereuses,
car si nous eussions dans ce moment-
là rencontré sur notre route une de ces grosses
glaces, SI fréquentes, nous n’eussions peut-être pas
pu l’apercevoir assez à temps pour l’éviter, et alors
quelle fin eut été la notre ! Nos corvettes n’eussent
pu résister au choc de ces énormes masses de glace
compacte, et elles eussent probablement coulé sur
place.
Au commencement de la tourmente, la Zélée n’était
qu’à quelques encâblures derrière nous. Je m’empressai
de faire le signal à son capitaine de ma- i84o.
noeuvrer comme il l’entendrait pour la sûreté de son
bâtiment, sans s’astreindre plus longtemps à rester
dans nos eaux ; mais dans ce moment nos navires
furent tout à coup enveloppés par un épais tourbillon
de neige qui ne permit pas que ce signal fût aperçu.
Toutefois, dès cet instant, nos corvettes se perdirent
de vue, et nous dûmes bientôt concevoir de sérieuses
craintes sur le sort de la Zélée. Malgré la violence
du vent, nous étions obligés de conserver encore beaucoup
de toile pour éviter d’être entraînés sur la banquise
où notre perte eût été rapide et inévitable.
Forcés cependant de carguer la grand’voile dans une
rafale, elle fut presque immédiatement mise en lambeaux.
Bientôt il fallut aussi serrer la misaine ; nous
conservâmes encore, mais avec grande peine, les
huniers aux bas ris ; la mâture ployait sous le poids
de cette voilure réduite. A chaque instant nous craignions
de voir le grand mât s’écrouler ou nos huniers
emportés et déchirés par le vent. U Astrolabe se débat- n. crxxii.
tant au milieu des lames qui l’inondaient de toutes
parts, présentait un spectacle effrayant ; elle donnait
une bande telle que sa batterie sous le vent était presque
entièrement recouverte par les eaux de la mer. Si,
dans ce moment-là, avec la vitesse qui lui était imprimée,
elle eût rencontré un obstacle devant elle, elle se
serait abîmée immédiatement. Le froid était des plus
vifs, l’avant du navire disparaissait sous une croûte
épaisse de verglas. La neige , qui tombait abondamment
, s’attachait à chaque manoeuvre, s’y congelait
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