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après avoir planté le poivre, lui donnent généralement
pour tuteur une branche d’arbre qui prend rapidement
racine dans le sol et qui finit par produire
des arbres d’une grande hauteur. La liane du poivre
s’enroule autour du tronc sans s’élever jamais à une
hauteur égale à celle de ces tuteurs. Tous ces arbres
étaient alignés et également espacés, leurs pieds étaient
débarrassés de toutes les herbes parasites; enfin, ces
plantations paraissaient tenues sur le meilleur pied.
Une multitude de petits écureuils, à la queue très-
fournie et très-belle, jouaient sur les branches de ces
arbres majestueux, et, de distance en distance, nous
distinguions des troupes de singes, surprises sur le
bord des ruisseaux où elles respiraient la fraîcheur,
s’élancer dans les touffes des bambous pour fuir l’approche
de leurs ennemis. Je passai le reste de ma
journée à promener et à chasser les insectes qui y
étaient fort nombreux , mais dans tous ces lieux humides
nous renconlrions des foules de petites sangsues,
qui, malgré nos vêtements, s’attachaient à nos
jambes pour ne plus les quitter que lorsqu’elles s’étaient
gorgées de sang.
La pluie me força de regagner le bord, j’étais à
peine rendu à l’échelle de VAstrolabe, que des grains
nous amenèrent beaucoup d’eau et de vent. La mer
devint houleuse , et nos corvettes commencèrent à
rouler, ce qui rendait notre mouillage fort incommode.
Pendant toute la nuit, le temps ne cessa d’être à l’orage,
et la journée du 9 s’annonça sous les auspices
les plus fâcheux. M. Jacquinot m’avait appris qu’il
DANS L’OCEANIE. 59
comptait déjà à son bord sept ou huit hommes atteints
de fièvre et de dyssenterie ; le rapport du matin du
médecin de VAstrolabe constata deux cas nouveaux
parmi les marins de ce navire ; je redoutais beaucoup
de voir nos équipages envahis par ces terribles
maladies, si fréquentes sur les côtes de Java ; cependant,
comme aucun cas grave ne s’était présenté
jusque-là, je résolus d’attendre encore vingt-quatre
heures avant de prendre une résolution.
La veille, nos chasseurs avaient été heureux ; ils
avaient rapporté plusieurs oiseaux fort beaux, quelques
singes, beaucoup d’écureuils dont la chair avait
été trouvée fort délicate, et enfin deux daims d’une
espèce fort petite, mais de formes très - élégantes.
Malgré la pluie qui continuait à tomber par grains
assez fréquents, ils s’étaient fait mettre à terre de fort
bon matin pour explorer de nouveau le pays.
Pendant la matinée, nos corvettes furent visitées
par un grand nombre de pirogues qui nous apportèrent
des provisions en abondance et une très-
grande quantité de coquillages ; un naturel vint offrir
à la Zélée une tortue pesant plus de cent livres,
qu’il abandonna pour la modique somme de cinq
francs. Sa chair fut trouvée délicate et d’un goût délicieux.
Nous engageâmes, par tous les moyens en
notre pouvoir, les naturels à nous en apporter un
grand nombre pour le lendemain. Je ne prévoyais pas
que nous devions manquer au rendez-vous que nous
leur avions donné. Bientôt nous vîmes toutes ces embarcations
s’éloigner du rivage pour aller sur les îles