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laquelle ils désiraienl soumettre les habitants de l’Aà-
Irolabe y et l’on verra plus tard que, dans cette circonstance
, leur génie ne leur fit pas faute. Nous
avions atteint le 66“ degré de latitude sud, tout nous
faisait espérer que bientôt nous aurions franchi le
cercle polaire antarctique, et, suivant l’habitude,
je fus prévenu officiellement que le lendemain
j’aurais la visite du père Antarctique. Après une
pluie de riz et de haricots lancés du haut des
hunes, je reçus un postillon monté sur un phoque,
qui m’apporta le message de son fantastique souverain.
Je ferai grâce au lecteur du costume de ce singulier
ambassadeur et du contenu de son épître; je
vis avec plaisir que nos marins avaient changé la
cérémonie du baptême habituel de la ligne, en celle
d’une communion sous une seule espèce, celle du
vin, qui devait leur être plus profitable, et je n’eus
pas d’objection à faire. Comme eux, j’espérais que le
lendemain nous aurions dépassé le cercle polaire ,
mais les calmes qui succédèrent à la brise arrêtèrent
notre route. Nous étions à l’époque où les jours sont les
plus longs dans les zones glaciales, aussi à neuf heures
du soir le soleil était encore au-dessus de l’horizon,
et son disque lumineux s’abaissait lentement derrière
Pi.CLXViii. la terre dont l’existence était pour plusieurs encore
très-douteuse. A dix heures 50 minutes, cet astre disparut
derrière elle, et laissa voir dans toute leur
pureté ses contours élevés. Chacun était accouru
sur le pont pour jouir du coup d’oeil magnifique qui
s’offrait à nos regards. Rien ne saurait peindre, en
effet, la grandeur de ce spectacle. Le calme de la nuit
venait donner aux masses énormes de glace qui nous
entouraient un aspect plus grandiose peut-être, mais
aussi plus sévère ; tout l’équipage suivait des yeux le
soleil disparaissant derrière la terre et laissant encore
après lui une longue traînée de lumière. A minuit, le
crépuscule durait encore, et nous pouvions facilement
lire sur le pont. Nous ne comptions pas plus d’une
demi-heure de nuit; j’en profitai pour aller prendre
quelque repos, renvoyant au lendemain le soin d’éclaircir
tous les doutes sur l’existence de la terre qui
était devant nous.
A quatre heures du matin, je comptais soixante-
douze grosses glaces autour de nous. Je savais que pendant
la nuit nous avions à peine changé de place, et
cependant parmi ces blocs énormes qui nous entouraient
et qui tous avaient une forme particulière, bien
qu’ils présentassent un aspect à peu près uniforme,
je ne reconnus presque aucune des îles flottantes que
j’avais remarquées la veille. Le soleil était depuis longtemps
sur l’horizon, et bien que Tatmosphère fût
brumeuse, sa chaleur se faisait sentir ; aussi toutes les
glaces qui nous entouraient paraissaient subir une
décomposition active. Une d’elles, qui n’était séparée
de nous que par une distance peu considérable,
attira surtout mes regards. De nombreux ruisseaux
prenaient leur source sur son sommet, creusaient
profondément ses parois et s’élançaient à la mer en
cascades. Le temps était magnifique ; mais malheureusement
il n’y avait pas de vent; devant nous se
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