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il adi’essait à sa famille des récits intéressants, premiers jalons de
l’histoire de son voyage qu’il avait promis d’écrire.
Mais l’époque fatale approchait. A"ers le 9 octobre 1837 les terribles
symptômes de la dyssenterie s’étaient déclarés à bord de la
Zélée. Sous la désastreuse influence du climat, le mal sévit bientôt
dans toute son intensité, et, le 27 novembre, de La Farge, qui
avait déjà, au départ des côtes infectes, éprouvé tous les symptômes
de la maladie, ne put résister à ce redoutable fléau. Pauvre
jeune homme ! A la fleur de l’âge, avec un esprit de la plus brillante
espérance, un caractère aimable, délicat, et des plus aimants,
mourir si vite !...
A sa dernière agonie, son coeur, qui s’était placé d’avance sous
les ailes puissantes de l’Espérance et de la Foi, donnait encore des
témoignages d’affection à ses camarades. Il vit sans effroi la mort
s’avancer vers lui, montra sur son lit de douleur un courage sans
ostentation , envisageant en chrétien ces dernières heures de la
vie. Une petite croix d’or biillait sur sa poitrine, gage pieux d’une
soeur qui possédait toute sa tendresse. D’une voix émue, il la remit
à son ami de Montravel, afin qu’au retour du voyage, ce signe
de douleur et de mort pût l’ecevoir les larmes et les prières
de sa famille en deuil. Ses dernières paroles furent pour sa mère
et pour sa patrie, sublime mélange d’affections qui ont toujours
occupé la première place dans le coeur de l’ami que nous avons
perdu. {Un de ses amis.)
ÉMILE GOURDIN.
C’est une cruelle situation que celle d’un navire en pleine mer,
dont les flancs recèlent les principes d’une épidémie meurtrière.
Dès le début de la maladie, un malaise général pèse sur tous les
membres de l’équipage ; bientôt elle accroît ses ravages, et chaque
jour amène de nouvelles atteintes qui vienncni grossir les rangs
des bommes boi's de service. Alors, le navire présente un des plus
douloureux spectacles qu’on puisse imaginer ; privés des soulagements
qu’on peut leur accorder dans des lieux plus appropriés
à la nature des soins qu’ils l’éclament, les malades souffrent à la
fois du mal qui les mine, du manque d’espace, d’une gêne continuelle,
enfin de mille inconvénients inhérents à la vie du bord.
Entassés les uns sur les autres dans un entrepont où l’encombrement
obstrue le passage, secoués par les houles incessantes
des hautes mers , privés souvent d’air et de lumière , ces
,infbrtunés subissent mille tortures , et cherchent en vain un repos
qui les fuit. Leurs compagnons valides, menacés du même
sort, assistent sans trêve aux scènes les plus pénibles. Les phases
de la maladie se déroulent sans discontinuer; la souffrance
et la mort s’offrent de toutes parts sous leur aspect le plus sombre;
l’oeil attristé suit pas à pas la mai’che de la destruction qui
s’opère; chaque heure, chaque instant, augmente le supplice des
malades, accroît le désespoir de leurs compagnons impuissants à
les soulager. Jour et nuit, leurs plaintes semblent réclamer un secours
qu’on ne peut leur donner; elles se mêlent aux cris déchirants
arrachés par d’atroces douleurs ou produits par l’agonie. L’équipage
entier n’a plus de repos, l’affliction règne sur toutes les
physionomies; tout contribue à fixer les pensées sur de funèbi’es
images ; il n’est aucune cesse à cet état. Une odeur infecte envahit
le navire, s’attache aux parois, reste imprégnée aux vêtements ;
les habitudes de la vie du bord se modifient ; elles subissent foi’cé-
ment les exigences du service médical; les aliments s’apprêtent
à côté du fourneau de l’infirmerie ; aux heures des repas, les tables
se dressent auprès du lit des mourants ! Il fautavoir passé par ces
épreuves pour en comprendre toute l’horreur. On souffre de mille
peines, on ressent mille angoisses ; on souffre surtout de voir
ceux avec qui les dangers et les privations d’une longue navigation
ont fait naître une étroite sympathie, se débattre sans e.spoir
sous l’étreinte du mal ; on souffre de ne pouvoir apporter aucun
secours à ceux qu’on voudrait tant secourir; on souffre long