dans celle direction, et, pour cela, je donnai Tordre
de toujours tenir la route au sud de la boussole,
toutes les fois que les vents nous le permettraient.
D’abord notre navigation se présenta sous les auspices
les plus fâcheux ; les vents fixés au sud vinrent
contrarier notre route; les courants nous poussaient
dans Test, et nous forçaient à serrer le vent,
de peur de nous éloigner. De fortes houles, atteignant
généralement de 4 à 5 mètres de hauteur, agitaient
nos corvettes et nous fatiguaient horriblement. Enfin,
il y avait à peine quatre jours que nous avions quitté le
rivage, déjà les rapports de M. Dumoutier constataient
que nous avions neuf malades sur les cadres.
Cependant, depuis cette époque, l’équipage n’avail
pas cessé d’avoir des vivres frais; je m’étais fait une
loi de rendre le service le plus doux possible, et nos
matelots ne se fatiguaient presque pas. Quelques jours
encore, je pouvais avoir besoin peut-être de tous
leurs efforts ! Une grave responsabilité pesait sur moi ;
mais avant de me jeter dans une entreprise aussi hasardeuse,
j’avais compté sur le courage de mes équipages,
et j’étais sûr qu’il ne faillirait pas.
A mesure que nous avançons dans le sud, la température
se refroidit sensiblement ; nous naviguons au
milieu d’un vol d’albatros qui ne nous quitte pas.
De nombreuses baleines jettent autour de nous de
Teau par leurs évents, mais il paraît que cette variété
n’est point celle que recherchent les pêcheurs, car
un navire baleinier qui passe à une petite distance
de nous continue sa route à Test sans s’arrêter.
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Quelques instants de calme permirent aux deux corvettes
de communiquer dans cette journée. Un canot
de la Zélée, monté par M. Caillard, parvint, malgré
la houle, à accoster XAstrolabe. Cet élève venait réclamer
une boussole d’inclinaison qui, reconnue mauvaise
par M. Dumoulin, ne servait à aucun usage; il
venait en outre se concerter avec l’ingénieur pour
connaître la nature des observations qui pourraient
être faites sur la Zélée et qu’il jugerait avantageuses
dans ces parages. Chaque jour MM. Dumoulin el Coupvent
faisaient à plusieurs reprises de nombreuses
observations d’inclinaison avec un excellent instrument
sorti des ateliers de M. Gambey. J’ajouterai que
M. Gaillard, malgré sa bonne volonté, ne put jamais
plus tard tirer parti de la boussole qu’il était venu
réclamer. Il est fâcheux que nos deux corvettes, à
leur départ de France, n’aient pu être munies d’instruments
comparables entre eux, car les observations
de ce genre faites à la mer présentent toujours trop
de difficultés et laissent assez d’incertitude, pour que
les sciences aient beaucoup à profiter de la comparaison
dés observations, qui seraient faites simultanément
à bord de deux navires naviguant de concert.
Je profitai de cette circonstance pour interroger
M. Gaillard sur l’état sanitaire de son bâtiment; il
m’apprit que la Zélée complait sept hommes sur les
cadres : parmi ceux-ci, trois paraissaient grièvement
frappés. La dyssenterie dont ils étaient atteints semblait
avoir pris une nouvelle intensité depuis qu’ils
avaient quitté le port d’Hobart-Town. Certes, jere-
V I I I . 9
1840.
Janvier.