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jusqu'à rendre très-pénible la marche, avec le soleil ardent qui
rayonnait déjà depuis plusieurs heures sur les flancs de la montagne.
Nous ne tardâmes pas à ne plus trouver de chemin tracé ;
la marche devint alors difficile, à cause des broussailles à travers
lesquelles il fallait passer, et des troncs d’arbres abattus que
nous rencontrions à chaque pas. La forêt, plus épaisse dans cette
partie qu’on ne la trouve ordinairement dans la Tasmanie, se
composait de grands eucalyptus et d’une espèce de pin très-gros,
qui se trouvait surtout près du fond des ravins où le sol était plus
frais et plus riche; on remarquait une grande quantité de fougères
, dont quelques-unes étaient arborescentes comme celles de
certains pays tropicaux. A mesure qu’on s'élevait, cette végétation
devenait de moins en moins vigoureuse, mais n’offrait pas
de différences sensibles dans le» espèces jusqu’à notre arrivée au
pied du piton qui couronne les étages successifs de la charpente
de cette montagne. J’étais déjà très-faligué en y arrivant,
et avant d’entreprendre cette dernière tâche, je fus obligé de reprendre
haleine pour gravir ce dernier piton. 11 fallut escalader
successivement, en s’aidant des pieds et des mains, d’énormes
blocs de granit entassés les uns sur les autres, pendant l’espace
de près de trois quarts d’heure. Là, seulement, on commençait
a apercevoir une végétation propre à cette zone , et je remarquai
pour la première fois, au milieu de ces blocs, des serpents noirs
<|ui passent pour très-venimeux, sur lesquels je craignais à chaque
instant de mettre les mains; un peu avant d’arriver au
sommet, la pente devint tellement escarpée qu’il fallut user des
plus grandes pi’écautions pour éviter de poser le pied sur des
fragments détachés qui glissaient quelquefois derrière nous avec
fracas, et auraient exposé aux plus grands dangers. Nous réussîmes
cependant à atteindre, à neuf heures et demie seulement,
sans accident, le sommet de cette montagne fameuse. 11 est formé
d’un vaste plateau presque entièrement uni, d’un demi-mille environ
de diamètre, entièrement dépouillé d’arbres et d'arbustes
de toute espèce, car ceux-ci n’y paraissent que sous la forme
rabougrie d’embryons peu reconnaissables, de quelques pouces,
et sont presque conlbndiis avec le tapis de verdure qui couvi’c le
surface de ce plateau. Les Anglais ont construit une petite baraque
en p'ien’C sèche pour servir d’abri à ceux que la pluie force
à chercher un refuge qu’ils ne trouveraient nulle part ailleurs.
Près de là est planté un mât de pavillon d’où, par un temps clair,
on peut faire des signaux à la ville ; mais uu temps pareil esl Irès-
raré , car cette position est la plupart du temps voilée de nuages.
Nous fûmes, en arrivant, heureusement grafifiés de cette faveur,
el pûmes à notre aise jouir du beau point de vue qu’on a de ce
plateau. Comme le mont ‘Wellington domine toutes les autres
montagnes de l’île qui se trouvent dans son rayon, on a de là la
vue la plus étendue qu’on puisse désirer; d’un côté, on voit l’Océan
et les hautes falaises de l’entrée de Stormy-Bay, et l’embouchure
majestueuse du Derwent, avec les nombreux caps, presqu’îles
et îlots de ses bords , qui sont le plus heureusement
accidentés ; on suit, à partir de la ville, le cours de cette magnifique
l’ivière jusqu’à une distance de plus de dix lieues à travers
le sol éminemment riche et pittoresque de la vallée large qui
forme son bassin. Là s’élèvent de distance en distance, depuis
Newtown jusqu’à Norfolk, de petits hameaux destinés à former
avant peu le noyau de villages et de villes ; au delà, les cultures
sont plus disséminées , el on voit encore une partie du pays sur
la rive gauche, qui a conservé l’aspect sauvage d’avant la conquête,
mais qui bientôt aura changé de forme. En tournant ses
yeux vers l’ouest, on aperçoit les rives du canal d’Entreoasteaux,
et l’entrée d’un autre bras de mer auquel Entrecasteaux donna le
nom de rivière Huon, où se sont déjà fixés plusieurs colons, quoique
le pays soit plus ingrat et plus montagneux ; cet endroit servira
de point de départ pour le défrichement de la partie ouest de
l’île , celle qui a été jusqu’à ce jour la moins explorée. Nous
avions à nos pieds Hobart-Town, avec ses rues larges et si régulières,
ses jardins, ses édifices, la forêt de mâts qui remplissait
son port, et toutes les jolies métairies situées dans son voisinage,
(pii donnaient à cette partie un aspect riant el animé. La brume
ne nous laissa pas longtemps jouir de ce panorama ravissant;