cailiques de créalioii récente. Une multitude d’îles
flottantes et atteignant des dimensions colossales,
s’avançaient au large. Leurs bords étaient formés par
des murailles droites , mais la surface supérieure,
au lieu d’être unie, paraissait aussi recouverte de
glaçons, dont les prismes cristallisés se croisaient en
tous sens. Cette chaîne d’îles de glace éparses produisait
un effet des plus singuliers. Il est probable
qu’elles s’appuyaient sur 1e fond, peut-être même sur
desîlots séparés qui leur servaient de noyaux. Plusieurs
fois la vigie crut distinguer au milieu d’elles des taches
noires; mais il arrive souvent que les glaces
prennent une teinte sombre, suivant la manière dont
la lumière leur parvient, et les indices de terré qui
furent signalés ne furent jamais sufîisants pour
donner quelque certitude à l’hypothèse que je viens,
d’émettre. Plusieurs fois nous remarquâmes aussi,
sur les glaces flottantes, des teintes rougeâtres dont
nous ne pûmes deviner la cause. Sur notre route
même, nous rencontrâmes un petit glaçon qui présentait
à un dégré très-prononcé cette teinte bizarre.
Un instant j’espérai en recueillir des échantillons,
mais nous en étions encore trop loin pour mettre
une embarcation à la mer et pour aller les recueillir,
la brise nous quitta, et nos corvettes se trouvèrent
entraînées par les courants, qui les portèrent sensiblement
dans l’ouest.
Souvent aussi, parmi les glaces flottantes, nous
en avions remarqué plusieurs qui avaient une teinte
brune, comme si elles eussent été salies par le contact
du sol. Il est probable que ces effets singuliers ne doivent
pas toujours être rapportés aux jeux de la lumière,
qui varient à l’infini au milieu de ces masses
gigantesques aux formes multiples. Il est probable que
toutes ces îles de glace se produisent près des côtes
et qu’ensuite, lorsqu’elles s’en détachent, elles emportent
avec elles des débris qui attestent leur origine.
Un de ces blocs extraordinaires se trouvait devant
nous à une petite distance, et je désirais vivement m’en
approcher ; mais la brise ne nous revint que lorsque
le soleil était couché. Il était minuit lorsque nous le
dépassâmes en le rangeant de très-près. Il présentait
alors l’aspect de la terre ; du reste, il nous fut
impossible de reconnaître la cause de cette teinte particulière.
A quatre heures du matin, la vigie annonça que
la mer était barrée devant nous par une chaîne d’îles
de glace. Le ciel était magnifique. Rien n’annonçait
encore un changement dans le temps. La brise était
légère et régulière, la mer des plus unies. Désireux
de prolonger la reconnaissance de la terre aussi loin
qu’il nous serait possible, je voulus d’abord essayer
de continuer ma route, afin de passer entre la terre
et la chaîne d’îles qui m’était signalée ; mais, à mesure
que nous approchions, la vigie reconnut de nouvelles
îles de glace qui bientôt se montrèrent liées
entre elles par une banquise continue. Cette barrière
de glace, s’appuyant sur la terre au sud, s’étendait
ensuite vers le nord pour revenir enfin vers
l’est; nous l’accostâmes de très-près: elle était sern-
1840.
Jaiivii'r.
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