»839. m’engageait beaucoup à accepter l’appartement que
Décembre.
W
le gouverneur m’avait fait préparer chez lui. Je refusai
cette offre bienveillante, mais je fus fidèle au rendez
vous. Je désirais ardemment faire la connaissance
de sir John Franklin, dont le nom jouissait
d’une si grande et si honorable réputation depuis ses
découvertes dans le nord de l’Amérique. Le capitaine
Jacquinot m’accompagna dans ma visite chez le gouverneur.
Nous y passâmes une soirée fort agréable. Sir
John Franklin parut fort empressé à nous faire accueil
et très-disposé k nous être agréable. Nous trouvâmes
dans lady Franklin une femme très-spirituelle et engageante
, aux manières simples et agréables, d’une
conversation instructive autant qu’intéressante. Vainement
je voulus interroger sir John Franklin sur
les résultats obtenus par l’expédition américaine. II
n’en avait pas entendu parler. Il avait trouvé que
ma figure ressemblait beaucoup à celle du capitaine
Parry, et se récriait constamment sur cette ressemblance,
qu’il disait être frappante. Cela me rappela,
malgré moi, une anecdote assez plaisante qui m’arriva
en 1826. Je soupais avec un Anglais qui connaissait
le capitaine Parry, et qui, frappé de même de ma
ressemblance avec ce navigateur, ne voulut jamais
croire, malgré ma qualité de Français, que j’étais tout
h fait étranger à sa famille.
En nous retirant, sir John Franklin me rappela
qu’il m’attendait le lendemain pour dîner. Je lui demandai
la permission de lui présenter auparavant
MM. les oliiciers des deux corvettes. Il s’empressa de
me fixer une heure, en m’ajoutant qu’il me priait en
outre de lui donner une liste de notre état-major, afin
qu’il pût faire une plus ample connaissance avec nos
officiers, en les réunissant à sa table. Jusqu’au jour
de notre départ, l’hospitalité cordiale que nous avait
offerte sir John Franklin et les diverses autorités de
la colonie, ne se démentit pas un seul instant;
mais au milieu des fêtes sans nombre qui s’organisaient
en notre honneur, je ne perdais pas un seul
instant de vue le but de ma relâche, et les difficultés
que je rencontrerais pour mettre à exécution mes
projets de retourner dans les régions glaciales. Chaque
jour M. Jacquinot et moi nous faisions de fréquentes
visites à l’hôpital. Le sort de nos malades s’était
amélioré sensiblement, mais tous ceux qui avaient
été fortement atteints par l’épidémie laissaient encore
peu d’espoir d’un rétablissement prochain. Le fléau
semblait même vouloir continuer ses ravages. Le 20,
un homme de VAstrolabe avait été pris encore de
fortes coliques; il avait été immédiatement envoyé
à l’hôpital. Le lendemain l’hôpital recevait encore
quatre nouveaux malades. VAstrolabe y envoyait
un de ses marins et son premier chef de timon-
nerie, la Zélée deux de ses matelots; il est vrai que
tous ces hommes étaient loin d’éprouver les symptômes
effrayants avec lesquels l’épidémie avait commencé
à ouvrir nos rangs ; toutefois il devenait pour
moi évident que les maladies avaient laissé parmi
nous une profonde racine, et sur le point de commencer
une campagne pénible et dangereuse, je
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