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veauvoyagede circumnavigation, sous les ordres de M. Dumont-
d’Urville, parvint jusqu’à lui. Quelle occasion pour un paysagiste,
pour un peintre de marine, d’étudier, d’étre vrai sans
monotonie pendant une longue carrière d’artiste, et dans une
multitude de productions. Mais quitter la France pour trois années
au moins, abandonner de nouveau .-a famille, qu’il avait été
si heureux de revoir, et cela après avoir péniblement amassé déjà
tant de précieux matériaux , dont il pourrait actuellement tirer
parti, c’était un immense .sacrifice; il devait hésiter longtemps.
11 vit toutefois le chef de i’expiidition et lui montra scs dessins ; il
apprit de lui combien ce voyage, ordonné dans un but de recherches
scientifiques, pourrait lui être utile. Peu de jours après,
il recevait du ministre de la marine sa commission , et le titre de
dessinateur de l’expédition autour du monde et au pôle antarctique.
L illustre M. d’Urville avait été beureux, et il se plaisait à
le redire, de trouver réunis tant de talent et une volonté énergique,
déjà éprouvée parles périls de la navigation. C’est ainsi
qu’avait commencé celte vie qui promettait d’être longue et fructueuse.
Ces belles années qui s’écoulent ordinairement en projets, cl
qu’on dissipe quelquefois si follement, avaient chez E. Goupil
été remplies par l’étude et le travail; et à l’âge ou la plupart des
jeunes gens cherchent encore une profession , il était déjà un
peintre distingué et montrait un brillant avenir.
On a vu qu’il avait préludé par quelques voyages à la longue
et périlleuse campagne pendant laquelle il devait succomber. Sa
première course sur mer avait été une dure et triste épreuve, qui
eût suffi pour dégoûter à jamais une âme moins fortement trempée
que la sienne. Mais ces faibles obstacles étaient peu dechose pour
Goupil, qui, dans son amour pour son art, dans son désir de
gloire, n hésitait pas a abandonner un père et une mère avancés
en âge , et une famille dont il était l’idole.
II s’arrachait au paisible travail de l'atelier, au foyer paternel,
où sa vie s était jusque-la écoulée si douce, pour une existence
toute de privations et de dangers.
BIOGRAPHIES. 385
Et cette séparation, ces sacrifices étaient plus pénibles, plus
douloureux pour notre jeune artiste que pour ses compagnons de
voyage; en effet, pour le marin, les longues navigations sont
une chose ordinaire, c’est l’accomplissement d’un devoir ; les séparations
sont prévues , on s’y est résigné à l’avance, et en entrant
dans la carrière, dans un âge tendre encore, les années viennent
affaiblir l’amertume de ces regrets.
A son arrivée a Toulon, son humeur, douce et enjouée, sou
beureux caractère , sa physionomie franche el ouverte, où se reflétait
sa belle âme , lui gagnèrent de suite l’affection de tous se.s
compagnons de voyage. Quelquefois les personnes étrangères à la
marine, que les circonstances appellent à naviguer, sont, auprès
des officiers de marine réunis par l’esprit de corps, l’objet d’une
sorte de froideur. Goupil n’eut qu’à se montrer pour triompher
de ces préventions, el pendant tout le cours de la campagne, il
sut s attirer, non-seulement l’amitié de ses compagnons de la
Zélée, mais encore il se concilia l’affection de tous les officiel s
de \Astrolabe. L’Artiste! (c ’est ainsi qu’on se plaisait à le désigner)
était un mot magique qui déridait les fronts les plus soucieux
, et appelait sur toutes les lèvres un bienveillant sourire.
La première traversée, une des plus longues et des plus ennuyeuses
, fut parfaitement supportée par Ernest ; il s’était fait
avec facilité à cette vie de mer, vie de privations et d’en n u i, il
semblait avoir navigué toute sa vie.
11 employa nos premières relâches au détroit de Magellan , â
faire d’excellentes études. La vue du port Sainl-Nicolas , du port
Famine, donnent de cette belle et sauvage nature l’idée la plus
exacte.
Dans ce dernier lieu , il lui arriva un accident qui aurait pu
avoir les suites les plus funestes. Nous étions à la chasse, Ernest
venait de tirer un oiseau aquatique, il rechargeait son fusil; mais
au moment où il versait la poudre dans le canon , elle s’embra.sa
et communiqua le feu à celle que contenait la poire; une explosion
terrible eutlieu; la poire à poudre, faite de corne et de cuivre,
vola en éclats. Une parcelle enflammée, restée dans lecanon, avait
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