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bon , si doux ! Marescot était d’une petite taille, mais parfaitement
prise. Ses longs cheveux noirs bouclés, ses yeux grands et bien
fendus , d’un beau bleu d’azur, donnaient à sa physionomie un
air de douceur à travers lequel on eût difficilement reconnu l’aventureux
, l’intrépide marin. Ce fut à bord de YOrion que commença
ma liaison avec Marescot. Hélas ! je ne me doutais pas alors
que quinze ans après j’attacherais moi-mème deux boulets aux
pieds de mon pauvre camarade , pour le lancer aux requins du
grand Océan.
Nous suivions avec, ardeur nos études, lorsqu’un jour, au milieu
d’une de nos classes , nous entendons avec surprise les tambours
battre aux champs , et le rappel nous appeller à nos
pièces.
Il venait de se passer un sublime , un héroïque fait d’armes :
notre brave commandant, des larmes dans la voix et les yeux,
brillant d’enthousiasme, voulait nous en faire part et exciter
ainsi nos jeunes courages.
« Honneur à la marine française ! s’écria le commandant. Un
« brave officier, Bisson, pris à l’abordage par des bandes de p i-
« rates grecs, n’a pas voulu que le pavillon de France fût souillé
<1 par de pareils coquins ; il a lui-même mis le feu aux poudres et
« a fait sauter l’ennemi avec lui. C’est un noble exemple, mes
« enfants , et je ne doute pas qu’en pareille circonstance vous
« n’en fassiez autant. »
J’étais à côté de Marescot ; son coeur battait à briser sa poitrine,
ses yeux étincelaient. Le lendemain, notre professeur de littérature,
M. Mathias, nous lut une charmante pièce de vers sans vouloir
nous en nommer l’auteur; elle était de Marescot. Je regrette
vivement de ne pouvoir la donner ici.
L’époque des examens arriva : Marescot fut reçu dans un
très-bon rang, et bien tôt après, embarqué sur lafi’égatela Vénus,
qui se rendait dans la Méditerranée. En arrivant à Toulon , les
élèves furent répartis sur les divers bâtiments de la flotte; Marescot
fut embarqué sur la corvette la Victorieuse ; elle faisait partie de
l’escadre qui bloquait les côtes de la régence. Ingrate et dure misslou,
c’était une guerre sans combats. Les Algériens restaipnt
cachés dans leurs ports ; ces redoutés forbans, braves devant un
malheureux navire marchand sans armes, sans défense, se blo-
tissaient dans leur repaire, et tremblaient sous la bordée de nos
croiseurs. Il fallait constamment tenir la mer, el ceÎa sous les formidables
raffales du mistral, qui balaye la Méditerranée, comme
dans les belles mers et les jolies brises d’été ; c’était là un rude
métier, tellement rude, que le brave amiral Collet y mourut du
scorbut. La croisière durait depuis trois ans , et menaçait de se
prolonger indéfiniment, lorsque l’on apprit que des troupes arrivaient
de tous les points de la Fi’ance pour se concentrer autour
de Toulon, et qu’enfin l’expédition était résolue.
Marescot passa alors sur le vaisseau de 8o le Breslaw. Arrivé
à Sidi-el-Ferruch, il fut débarqué avec sa compagnie et fit partie
du corps de marins destiné à garder le camp retranché. Nos matelots,
habitués aux planches de leurs navires,souffrirent cruellement
de leur campement sur le sable de la plage, et les maladies
firent bientôt de terribles ravages dans nos rangs. Alarescot fut
atteint un des premiers ; rien ne put le décider à abandonner son
poste.
En face de l’ennemi, disait-il, je ne reconnais qu’une seule
maladie , c’est une balle dans la poitrine.
Au bout de (rois semaines , l’amiral nous rappela à bord de
nos vaisseaux, et ie 5 juillet, la flotte se forma en ligne de bataille
pour combattre les forts de la côte et ce terrible môle, sous les feux
duquel lord Exmouth avait perdu tant de monde. En même temps
l’armée de terre battait eu brèche le fortl’Empereur.Toutlemonde
connaît les résultats de cette double attaque. Ces féroces Algériens,
ces hardis pirates , qui devaient s’ensevelir sous les ruines
d’Alger, se trouvèrent trop heureux de recevoir la capitulation
que voulut bien leur accorder le général en chef.
Pendant le combat, Marescot, quoique malade , dirigea avec
calme et habileté le feu des pièces qui lui étaient confiées , et son
commandant, M. Maillard de Liscourt, lui donna les notes les
plus brillantes.