notre excursion ; mais avant de nous remettre en
route, je crois devoir rapporter quelques faits et quelques
renseignements qui m’ont été donnés et que je
livre à la crédulité du lecteur, sans autre garantie que
celle des personnes qui me les ont confiés. Parmi les
contes accrédités ici, on m’a souvent parlé d’une pluie
de pierres qui aurait eu lieu dans un endroit complètement
fermé. Ainsi, dans une chambre hermétiquement
close de toutes parts, il serait survenu tout h
coup des cailloux, qui seraient tombés du plafond
sans qu’on pût voir d’où ils provenaient. On concevrait
bien que si le lieu n’était point fermé, il eût pu
arriver qu’un aérolithe eût été réduit en poussière,
et que le vent eût pu en renvoyei’ les débris dans
un lieu couvert et non clos; mais il était impossible
d’ajouter foi au fait tel qu'il m’était raconté,
malgré les assertions pressantes de mes compagnons.
M. Baud m’a cité encore un phénomène dont j’avais
déjà entendu parler, c’est l’existence d’une coquille
qui, à certaines époques, laisse échapper des
oiseaux qui s’envolent. Les assertions de M. Baud à
cet égard étaient tellement positives, que je ne doute
pas qu’il n’y ait là quelque illusion qui a induit en erreur
cet homme honorable. Enfin, comme je me montrais
très-peu crédule sur ces prodiges vraiment fantastiques,
je dis à ces messieurs que je rangeais tous
ces récits dans la même catégorie que celui qui
m’avait déjà été fait de la multiplication des perles
par leur accouplement; mais je trouvais dans M. Ge-
rikou, résident de Sala-Tiga, un homme convaincu
de la réalité de ce fait : il m’assura qu’il avait expérimenté
lui-même et qu’il possédait plusieurs
perles capables d’en produire d’autres. Il mit en
même temps une grande insistance à m’en offrir, et
je ne pus faire autrement que de les accepter. 11 me
montra, dans une petite boîte remplie de colon , une
perle assez grosse avec d’autres plus petites, et quelques
grains de riz destinés à les nourrir. Il me fit distinguer
aussi de très-petites perles qu’il croyait avoir
vues s’approcher de la grosse et s’en détacher ensuite.
Il mit dans une petite boîte garnie de coton celle qu’il
jugea être la plus productive, avec deux autres plus
petites et quelques grains d’un riz particulier. Toutes
ces perles, vues à la loupe, n’avaient rien de particulier,
et dans le désir de lui être agréable, je lui promis
de faire l’expérience de son procédé ; je ne pus
cependant lui cacher mon incrédulité *.
Nous fûmes obligés de renoncer à notre voiture pour
gagner les sommets que nous voulions atteindre et où
s’élèvent quelques monuments tumulaires, vieux débris
de la splendeur passée du peuple javanais. Des
chevaux de selle nous attendaient à la porte de la résidence.
M. Jacquinot seul ne voulut point en profiter,
leur allure vive et décidée lui fit craindre de ne pouvoir
les monter. Il préféra aller stationner sur la
grande route avec la voiture, pendant que nous nous
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M. d’Urville m’a montré ces perles dans le courant du mois
de juin i8 4 i ; il est inutile d’ajouter qu’elles étaient absolument
dans le même état qu’à l'époque où elles lui furent données.
V. D.