ciilière, celle de recevoir librement des marchandises
étrangères et de pouvoir trafiquer directement
avec tons les pavillons. Il paraît même que , depuis
quelque temps, des agriculteurs, se fondant sur cet
espoir, ont donné une grande extension à la culture
de la canne à sucre. Le gouvernement semble les
encourager dans cette nouvelle voie. Au nombre de
ces spéculateurs se trouvait M. Vitalis, ancien militaire
français actuellement engagé dans une des plus
grandes entreprises de plantation et de fabrication
de sucre.
Quant aux affaires politiques, la dernière guerre
de Java en faisait tous les frais ; on paraissait même
fort peu se préoccuper des succès des Hollandais
dans 1 lie de Sumatra. Cette guerre paraît avoir fortement
ébranlé le pouvoir hollandais , et son souvenir
rend encore soucieux les habitants du pays. La
garnison de Samarang n’est pas forte ; il y a quelque
temps, des renforts ayant été demandés pour l’armée
qui combat à Sumatra, elle n’avait pu se dégarnir
que d’une compagnie, tellement on est encore
sur le qui-vive. Il n’y a pas bien longtemps que l’at-
titiide de la population tendait à faire craindre une
levée prochaine de boucliers. Il était probable qu’elle
prendrait les armes à la première occasion favorable.
Telles étaient les assertions de plusieurs officiers de la
milice, qui paraissaient convaincus que si un chef
influent, tel que le prince de Solo, venait à faire un
appel aux armes, une révolte générale serait imminente.
Enfin , dans les diflérents groupes de causeurs.
on n’entendait que des plaintes sur la décadence rapide
du commerce de Java. Tous, sans exception, se
plaignaient fortement de la conduite du gouverneur
général, pour lequel ils montraient très-peu de sympathie.
La médisance avait aussi son tour : mes officiers et
moi-rnême nous trouvâmes plus d’une personne
parmi les invités qui vinrent charitablement chiichot-
ter à nos oreilles de malignes insinuations sur la réunion
à laquelle nous assistions. On nous dit que la
fête eût été bien plus brillante si la haute société de
Samarang ne s’était fait un scrupule de paraître à
une assemblée où devaient se trouver des personnes
de sang mêlé. Le sot préjugé qui, dans les colonies,
tend à établir des différences si tranchées entre le
mulâtre et les Européens, existe ici dans toute sa
force, et en outre il règne une très-grande démarcation
entre les familles nobles, les fonctionnaires,
les marchands et les métis malais.
Nous rencontrâmes encore chez M. Tissot le capitaine
Thébaud, commandant un navire de commerce
français, arrivé le matin sur la rade ; il venait de Batavia,
où, à ce qu’il nous assura, il n’était encore bruit
que de notre dernier passage. « Les officiers français,
disait-on, ont crevé trente chevaux à parcourir la
ville dans une tenue négligée pour insulter à la population
; ces officiers ne portaient le plus souvent
qu’une seule épaulette, e tc ., etc. » Ces nouvelles
ajoutèrent beaucoup à notre hilarité ; la soirée fut des
plus gaies. Il était près de deux heures du mafm que