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1840.
Janvier.
tàmes aiissilôl à terre armés de pioches el de mar-
leaux. Le ressac rendait cette opération très-difficile.
Je fus forcé de laisser dans le canot plusieurs hommes
pour le maintenir. J’envoyai aussitôt un de nos matelots
déployer un drapeau tricolore sur ces terres
qu’aucune créature humaine n’avait ni vues ni foulées
avant nous. Suivant l’ancienne coutume que les
P l . cLxxi. Anglais ont conservée précieusement, nous en prîmes
possession au nom de la France, ainsi que de la côte
voisine, que la glace nous empêchait d’aborder. Notre
enthousiasme et notre joie étaienl tels alors, qu’il nous
semblait que nous venions d’ajouter une province au
territoire français par cette conquête toute pacifique.
Si l’abus que l’on a fait de ces prises de possession
les ont fait regarder souvent comme une chose ridicule
et sans valeur, dans ce cas-ci, au moins, nous
nous croyions assez fondés en droit pour maintenir
l’ancien usage en faveur de notre pays. Car nous ne
dépossédions personne, et nos titres étaient incontestables.
Nous nous regardâmes donc de suite comme
étant sur un sol français. Celui-là aura du moins
l’avantage de ne susciter jamais aucune guerre à
notre pays.
(c La cérémonie se termina, comme elle devait finir,
par une libation. Nous vidâmes à la gloire de la
France, qui nous occupait alors bien vivement, une
bouteille du plus généreux de ses vins, qu’un de nos
compagnons avait eu la présence d’esprit d’apporter
avec lui. Jamais vin de Bordeaux ne fut appelé à
jouer un rôle plus digne; jamais bouteille ne fut
vidée plus à propos. Entourés de tous côtés de neiges
et de glaces éternelles, le froid était des plus vifs.
Cette liqueur généreuse réagit avantageusement
contre les rigueurs de cette température. Tout cela
prit moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.
Nous nous mîmes aussitôt tous à l’oeuvre, afin de recueillir
tout ce que cette terre ingrate pouvait offrir
de curieux pour l’histoire naturelle.
« Le règne animal n’y était représenté que par les
pingoins. Malgré toutes nos recherches , nous n’y
trouvâmes pas une seule coquille. La roche était entièrement
nue, et n’offrait pas même la moindre trace
de lichens. Nous n’y trouvâmes qu’un seul fucus, encore
était-il desséché et avait-il été apporté là par
les courants ou par les oiseaux. Il fallut nous rabattre
sur le règne minéral. Chacun de nous prit le marteau
et se mit à tailler dans la roche. Mais celle-ci, d’une
nature toute granitique, était tellement dure, que
nous ne pûmes en détacher que de très-faibles morceaux.
Heureusement, en parcourant le sommet de
l’île, les matelots découvrirent de larges fragments de
rocher détachés par les gelées, et ils les embarquèrent
dans nos canots. En peu de temps nous en eûmes une
provision suffisante pour pouvoir en fournir des
échantillons à tous nos musées, et faire encore des
heureux ailleurs. En les examinant de près, je reconnus
une ressemblance parfaite entre ces roches
et de petits fragments de gneiss que nous avions
trouvés dans l’estomac d’un pingoin tué la veille.
Ces fragments auraient pu au besoin donner une idée
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