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à Pinguinopolis, super Jînmt/ia Babylonis, auprès de son frère, qui,
sur la nouvelle de plusieurs expédidons dirigées vers les rives de
son royaume, avait besoin d’un aumônier. Vous êtes les premiers
depuis Cook qui receviez les bonneurs de la communion des
adeptes; plusieurs se sont déjà présentés, mais l’accueil le plus
froid les recevait partout ; le front de glace de mon nouveau seigneur
ne se dérida pas en faveur de ces entreprises vaines et té méraires,
ils s’en retournèrent chez eux la queue entre les jambes,
avec quelques côtes brisées, bien contents d’en être quittes à si bon
marché... Cependant, il faut avouer que ce n’est pas précisément
sur votre bonne mine que le père Antarctique veut bien vous recevoir
dans ses Etats ; s’il vous en souvient bien, il y a deux ans,
ses étreintes n’étaient pas, à s’y méprendre, celles de l’amour, mais
bien celles de la haine. Je vous en donnerai pour preuve le taille-
glace que l’on voit encore déposé en son cabinet d’antiquités à
Pinguinopolis.
Les différentes expéditions qui nous arrivèrent dans ces derniers
temps, apportèrent avec elles le parfum des idées libérales
qui trouvèrent du retentissement parmi le peuple pinguinolent ,
et Pinguinopolis eut aussi ses trois journées de combat et son cri
de victoire ; les gendarmes et la garde royale furent massacrés ,
criblés, assommés sous des avalanches de neige et de glace.
Le peuple, l’esté maître, n’abusa pas de la victoire, il se
donna une constitution qui assure à chacun sa liberté personnelle
et le respect à la pi’opriété, ce que nous vous prions d’observer
scrupuleusement, sous peine de six mois de réclusion
par 75 degrés.
Pour comble de bonheur, un hiver un peu rude qui suivit fit
manquer la récolte sur les terres du gouvernement, et sans la sage
administradon du ministre de l’intérieur Frigoritas, on eût complètement
manqué de glace cette année. Ainsi donc, plus de gendarmes,
rien que quelques glaçons à opposer sur les frontières
de son empire ; le père Antarctique Y Aécido. à traiter, à vous
recevoir sous son toit et à partager avec vous son pain et son .sel ;
oublions donc not: e pelile querelle , vous eûtes vos représailles ,
i5o pingouins furent assommés dans une escarmouche, rôtis et
mangés par vos pinguinophages équipages. Paix et union maintenant.
Pax vobiscum.
Déjà blanchis et régénérés dans les eaux baptismales de la
Ligne, vous recevrez dignement le Saint-Sacrement que je vais
vous présenter. Retrempés, raffermis , pleins de vigueur et de
force, vous supporterez la légère rigueur du climat qui environne
notre Eden ; approchez avec confiance, prenez-en , mangez. Ca~
piteet manducate, et consommons l’acte qui nous unit à jamais ;
nos merveilles les plus cachées deviendront les vôtres , les portes
de notre Eden vous seront ouvertes à deux battants ; vous éprouverez
cependant encore quelques désagréments, la route est raboteuse
; que votre courage ne faiblisse pas ; marchez, marchez,
ce n’est pas ici. Ile, ite, hic non est.
Il est sur la route, à droite en montant, un lieu inconnu à tous
les humains, dont aucun n’a souillé de son pied boueux le cristal
du parvis. Aucun oeil n’a considéré la mosaïque de colonnades et
d’ogives qui enveloppent ses mystères ; trois glaces énormes, éternelles
comme leur auteur, surmontées de quatre pitons, chacune
déformé svelte et gracieuse, indiquent le pôle magnétique.—Avancez
et admirez, heureux mortels, un des domaineslesplus renommés
de mon maître, poursuivez encore quelques pas, le sentier
s’élargit, la voie devient grande et belle, une suave harmonie, balancée
sur les ailes de la brise, arrive à vos oreilles charmées ; les
glaces énormes qui vous entourent semblent affecter des formes
riantes; encore eu peu , nous y voilà ! Tout a changé, voyez cet
agréable marais , voyez ces longues allées de joncs et de roseaux,
écoutez ce tendre concert formé du chant mélodieux du pingouin
royal et ordinaire, mâle et femelle. — Avancez, ite à ce
palais ; vous y voilà ! — Hic est donius. Entrez et rafraîchissez-
vous.
C’est ce que je vous souhaite.
Après cet édifiant discours, la cérémonie commença. Le commandant
d’Urville fut appelé le premier. Le grand chancelier lui
remit ses lettres d’introduction scellées du grand sceau de l’Etal,