dressait toujours la terre : on en distinguait les accidents.
Son aspect était des plus uniformes. Entièrement
couverte de neige, elle s’étendait de l’est à
l’ouest, et elle semblait s’abaisser vers la mer par une
pente assez douce. Au milieu de la teinte grisâtre et
uniforme quelle présentait, nous n’apercevions pas
un sommet, pas un seul point noir. Aussi existait-il
encore plus d’un incrédule sur le fait de son existence.
Cependant à midi toute incertitude avait cessé.
Un canot de la Zélée qui vint nous visiter, nous annonça
que depuis la veille on avait vu la terre à bord
de celte corvette. Moins méfiants que nous, tous les
officiers de la Zélée étaient persuadés déjà de la réalité
de cette découverte. Malheureusement, les calmes
qui continuaient ne nous permettaient point d’en approcher
et de la reconnaître d’une manière plus positive.
Toutefois la joie fut générale à bord; désormais,
le succès de notre tentative était assuré ; car l’expédition
devait rapporter, dans tous les cas, la connaissance
d’une nouvelle tei re.
La journée fut entièrement consacrée aux plaisirs
de l’équipage. Bien que nous n’eussions pas atteint
encore le cercle polaire, nos marins n’attendirent pas
ce moment pour faire apparaître sur le pont le souverain
antarctique. Ils représentèrent, comme à l’or-
pi. CLXvii. dinaire, toute espèce de scènes bizarres ; il y eut
parade de masques, sermon et banquet. Le tout se
termina par des danses et des chants. L’équipage
entier paraissait joyeux et plein de bonne volonté.
Il est vrai que, depuis Hobart-Town, nos marins
avaient rarement joui d’une santé plus florissante.
Les oiseaux de mer étaient nombreux autour de
nous; nous voyions s’agiter dans les eaux un grand
nombre de manchots et plusieurs phoques à fourrure,
mais nous n’aperçûmes aucun de ces grands pétrels
géants que nous avions trouvés en abondance dans
les glaces, lors de notre première expédition circumpolaire,
et qui, lorsque nos corvettes restèrent cernées
dans la banquise, venaient se disputer, sous nos
yeux, les débris des phoques abattus par nos chasseurs.
Nous recueillîmes à la surface de la mer un
long cordon blanchâtre el du plus singulier aspect. Il
avait plus de deux mètres de long, il était rond et
uniforme. Nous reconnûmes plus tard qu’il était
formé par une agglomération de mollusques ; dans la
suite, nous rencontrâmes encore plusieurs cordons
semblables, mais de moindre longueur.
Depuis que nous avions reconnu la terre, nous attendions
avec impatience que la brise vînt nous permettre
de nous en rapprocher ; enfin, à trois heures du
matin, elle se fit du S. S. E., mais elle était si faible,
qu’elle nous permettait à peine de filer un noeud. A
mesure cependant que nous approchions, nous apercevions
distinctement des crevasses sur la croûte de
glace qui recouvrait le sol, et qui lui donnait une
teinte grise des plus uniformes. De distance en distance
, nous voyions des ravines profondes, creusées pi. clxix.
par les eaux provenant de la fonte des neiges; mais
les détails de la cote nous étaient toujours masqués
par les îles de glace flottantes, qui, suivant
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