du rang de chef parmi ses compatriotes, s’était accoutumé
à la vie du bord en peu de temps ; d’un caractère
très-doux, il s’était fait de nombreux amis parmi
l’équipage; doué d’une rare intelligence, il avait parfaitement
compris que sa position à bord de nos
corvettes, où il ne pouvait occuper qu’une position
inférieure, lui commandait de se rendre utile pour
mériter l’intérêt des chefs dont il avait recherché la
protection. Il a péri victime des conséquences du despotisme
religieux que les missionnaires méthodistes
exercent sur ses compatriotes; il ne cessait de se
plaindre d’eux et, en venant en France, il répétait
constamment qu’il fuyait les missionnaires, et qu’il
ne voulait jamais rentrer dans son pays que lorsqu’il
serait libre du joug auquel il était assujetti ; il était fort
aimé de nous tous, et il fut sincèrement regretté. Son
corps fut conservé dans une barrique d’arack, et il
fait partie de la collection déposée par nous au Muséum
d’histoire naturelle.
Le 9, nous rangeâmes de près la pointe Rugged : il
fallut redoubler de vigilance, car les cartes indiquaient
beaucoup de récifs sur la route que nous devions
parcourir. Nous en reconnûmes plusieurs avant
d’atteindre la pointe Shoal, à l’entrée de la rivière
Pamanoukan, où se trouvait un prao qui disparut bien
vite à notre approche. Enfin nous distinguâmes les
hautes terres qui s’élèvent au nord de la rivière
Satapa, ainsi que les montagnes de Poulo-Laut, et
le 13 au soir nous laissions tomber l’ancre à quatre
ou cinq milles de la pointe septentrionale de cette île,
à l’entrée du canal qui porte son nom. J’avais l’intention
d’envoyer de nouveau l’ingénieur et les naturalistes
à terre, pour faire (juelques observations de
physique et recueillir quelques échantillons d’histoire
naturelle, et je choisis fîle de Pulo-Laut, dont le
terrain montueux et accidenté paraissait aussi plus
intéressant à étudier et plus propre à servir de champ
à leurs investigations.
Le lendemain, pendant que les corvettes restaient
immobiles sur leurs ancres, les deux grands canots
armés se rendirent à terre, portant MM. les naturalistes
et f ingénieur. Parties à sept heures du matin, les
embarcations ne rentrèrent à bord qu’à cinq heures
du soir; M. Dumoulin avait pu faire quelques observations
magnétiques et hydrographiques ; MM. les
naturalistes, de leur côté, avaient enrichi leurs collections
d’objets intéressants. On en jugera par le
passage suivant, extrait du journal de M. H. Jacquinot,
qui faisait partie du personnel du canot de la
Zélée.
« Le 13 septembre, à l’entrée de la nuit, nous
mouillons auprès de Poulo-Laut. Cette île, satellite de
la grande Bornéo , n’en est séparée que par un étroit
bras de mer : c’est un terre assez élevée, entièrement
couverte de forêts et inhabitée; elle est sans importance,
et aucun voyageur ne la mentionne d’une manière
particulière.
« Demain un officier doit faire le plan du mouillage
; pendant ce temps, les canots iront, de même
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