Janvier ^^»rveltes, avait espéré peut-être retrouver une partie
de la division américaine. Quoi qu’il en soit, bien
que nous eussions hissé nos couleurs, ce bâtiment
continua à se diriger sur nous, et j’espérais que son
intention était de communiquer. Afin de lui faciliter
les moyens de nous approcher, je donnai l’ordre
d’attendre quelques instants avant d’amurer la grand’
voile.
Bientôt le biàck américain ne fut plus qu’à une
encâblure derrière nous, et je pensai que son capitaine
avait l’intention de passer à bâbord de
VAstrolabe et de se maintenir à une petite distance
sous le vent. Or, comme ce navire couvert de toile
avait conservé une grande vitesse par rapport à la
nôtre et qu’il nous eût rapidement dépassés si, dans
ce moment-là, il eût serré le ven t, je donnai l’ordre
d’amurer la grand’ voile, afin que VAstrolabe pût se
maintenir plus longtemps à ses côtés. Cette manoeuvre
fut probablement mal interprété par les Américains,
car aussitôt le brick laissa porter dans le sud et s’éloigna
rapidement. Plus tard, les rapports du capitaine
Wilkes qui nous sont parvenus, en faisant mention
de cette rencontre, m’ont attribué des intentions
qui étaient alors bien loin de ma pensée. Certes, si je
n’eusse pas à cette époque désiré communiquer avec
le navire qui m’était annoncé, je n’eusse point tardé
aussi longtemps de faire amurer notre grand’voile
afin de nous écarter un peu de la barrière de glace
que nous avions rencontrée, et dont les brumes nous
avaient empêché de reconnaître la direction. Nous n’a-
AU POLE SUD.
vions aucunintérêtàtenir dans le secret le résultat de
nos opérations et les découvertes que nous avions failli
acheter si chèrement. D’ailleurs, nous ne sommes
plus au temps où les navigateurs, poussés par l’intérêt
du commerce, se croyaient obligés de cacher
soigneusement leur route et leurs découvertes pour
éviter la concurrence des nations rivales. J’eusse été
heureux au contraire d’indiquer à nos émules le résultat
de nos recherches , dans l’espérance que cette
communication aurait pu leur être utile et élargir le
cercle de nos connaissances géographiques. Si j’en
crois ce qui m’a été dit à Hobart-Town, il paraît que
les Américains étaient loin de partager ces idées. Sur
tous les points où ils ont abordé, ils ont toujours conservé
le plus grand secret sur leurs opérations, et ils
se sont abstenus de donner la moindre indication des
travaux qu’ils ont accomplis.
La neige qui, la veille, n’avait cessé de tomber
avec abondance, cessa pendant la nuit. La journée
du 30 s’annonçait sous les meilleurs auspices. Les
vents étaient toujours à l’est, la mer dure et houleuse ;
mais l’horizon était devenu beaucoup plus beau ; à
six heures, la vigie avait signalé la banquise dans le
sud, je fis serrer le vent pour nous en rapprocher et
la reconnaître de près ; à dix heures, nous n’en étions
plus qu’à trois ou quatre milles de distance. Son aspect
était prodigieux. Nous apercevions une falaise
ayant une hauteur uniforme de 100 à 150 pieds,
formant une longue ligne s’étendant à l’ouest. Sur
quelques points, des coupures peu étendues sem-
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