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funeste nouvelle. 11 venait de recevoir le dernier soupir de f in -
fortuné Goupil ; il n’avait voulu le quitter qu’au dernier instant;
assis à son chevet, il attendait l’aube pour rentrer à bord. Au
moment de partir, il voulut donner une dernière et silencieuse
étreinte à la main de son ami, il la trouva froide et inanimée......
Goupil venait d’expirer sans d o u leu r , sans effort. Il avait cessé
de vivre au moment de cette séparation........
Le mouillage qui suivit de si près le départ des corvettes nous
fit espérer de pouvoir assister au convoi de notre infortuné
compagnon . MM. Dumoutier et Gervaize , eu obtenant dans la
soirée l’autorisation de se rendre à terre, reçurent en même
temps la recommandation de s’informer des dispositions prises à
cet égard. A leur retour, nous apprîmes que l’enterrement ne
devait avoir lieu que dans quatre jours, terme fixé par les autorités
anglaises, qui avaient, en outre, prescrit le cérémonial du service
et convoqué les officiers de la garnison, ainsi qu’un cortège
militaire pour accompagner cette cérémonie funèbre.
En recevant ces détails, nous n’eûmes plus l’espoir de pouvoir
assister au convoi de notre malheureux’ ami , dont le souvenir
vivait parmi nous entouré de l’estime générale; car nous
savions que le moindre retard pouvait être funeste au succès de
la navigation que nous allions entreprendre; aussi, nous compi'î-
mes parfaitement les motifs qui décidèrent le commandant à ne
mettre aucun délai dans l’accomplissement de ses projets. Les
circonstances l’exigeaient impérieusement. Nous étions déjà fort
arriérés pour la saison, et nous dûmes reconnaître la nécessité de
hâter le début de notre exploration, aux dépens de la satisfaction
que nous eussions éprouvée à donner un dernier témoignage de
sympathie à celui que nous regrettions tous. Nous dûmes nous
résigner en laissant à MM, Hombron et Demas le soin de représenter
l’expédition dans cette triste solennité.
Le 2 janvier i 84o , les vents étant devenus plus favorables,
nous fûmes sous voiles de grand matin ; une mer calme, une
brise légère nous conduisirent au large en peu de temps.
Le i 5 janvier nous n’avions point encore rencontré de glaces.
En passant par les mêmes latitudes où deux ans auparavant, à la
même époque, nous avions reconnu les premières îles flottantes,
nous pensions qu’un été plus favoi’able allait seconder nos désirs.
Les paris qu’on ne rencontrerait pas de glaces de huit jours
étaient déjà ouverts, lorsque, le i6 , à trois heures et un quart du
matin, la vigie signala un petit glaçon. A sept heures on en
apercevait trois, et, à huit heures, cinq, du haut delà grand’ver-
gue. Nous étions décidément entrés dans le domaine des glaces.
Nous nous trouvions alors par 6o° 22’ de latitude, et i 4o® 4^’
de longitude orientale. Les formes de ces glaces, arrondies et brillantes,
paraissaient avoir été modifiées par le dégel.
Le lendemain et le jour suivant, le nombre des îles de glace
augmenta progi’essivement. Les dimensions de ces blocs grandirent
en même temps. On estima à plus de cinquante mètres la
hauteur de l’un d’eux. Ils présentaient tous une forme carrée, à
faces verticales, percées de trous simulant des cavernes , des portes
, des ouvertures diverses à la surface de la mer. Cette forme
particulière, que le dégel n’avait pas encore modifiée, la grandeur
de ces blocs énormes, semblaient présager la proximité de la terre;
nous n’avions vu de glaces semblables , de cette forme et de ce
volume, que dans le voisinage des îles Povrell et de la terre Louis-
Philippe. Il nous répugnait, d’ailleurs, d’admettre que ces masses
colossales pussent se former en pleine mer.
Le 19 janvier, ie temps , presque toujours sombre ou mauvais
jusque-là, s’embellit considérablement ; le soleil parut ; il dissipa
les brumes de l’atmosphère et les confina à l’horizon, o ù , à plusieurs
reprises, leur teinte et leur immobilité trompèrent les yeux
les plus exercés. Elles simulaient des apparences de terre si bien
marquées que le cap du navire fut changé plusieurs fois pour les
reconnaître. Ces illusions scrépétèrentplusieurs fois dans la jo u r née
et stimulèrent le désir qu’on éprouvait de découvrir la terre.
L ’aspect des glaces semblait confirmer cette prévision. Leur nombre
et leur niasse s’était considérablement accrus. A quatre heures
du soir, on en apercevait vingt-neuf dans différentes directions,
et àsixbeures on en comptait jusqu’à soixante . Elles nous en tou