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teau. La régularité et l’uniformité de ses escarpements, les couches
feuilletées de la neige qui le composent, et qu’on peut observer
sur quelques points, enfin la crête du plateau qui, dans tout
son développement, est de près de vingt lieues , n’offi'equedes lignes
rigoureusement droites et parallèles à l'horizon ; tout nous
prouve que cette côte de glace n’appartient pas à la terre. Mais ,
d’après ce que nous avons déjà vu de la tei’re Adélie, dont nous
n’avons pu atteindre la limite ouest, nous sommes persuadés que
le plateau qui est devant nous s’étend dans le sud jusqu’à la terre,
o ù , en d’autres termes , nous croyons qu’un pareil plateau de
neige et de glace n’enveloppe pas la terre, mais qu’il s’appuie sur
elle dans le sud.
D’un autre côté, comment expliquer la formation d’une croûte
de glace, d’une véritable banquise flottante, qui, pour une hauteur
de i5o pieds au-dessus de la mer, ne devraitpas avoir moins
de 800 pieds au-dessous du niveau des eaux? Et si l’on tient
compte de l’action combinée du soleil, des vagues et des courants
qui, dans les mois d’été, doivent suspendre sa formation et souvent
même en disloquer les premières couches, combien d’années
ne faudra-t-il pas à la nature pour élever cette barrière de cristal?—
On conçoit à peine qu’un bras de mer, resserré entre deux
terres, doit se figer au moins à sa surface, dans un hiver polaire.
La neige, s’amoncelant sur ce bassin, pourra, si l’on veut, la combler
jusqu’avrx sommets des montagnes voisines. On aura ainsi,
par une succession d’hivers rigoureux, un pâté de glace épais
de mille pieds , et même davantage, q u i, dans le dégel, fournira
ces innombrables îles flottantes que nous voyons tous les joui-s.—
Mais ici , comment concevoir la formation d’une banquise de
mille pieds d’épaisseur, qui, n’étant appuyée à la terre que d’un
côté, est exposée de l’autre à toute la violence des mers antarctiques
?
De minuit à quatre heures du matin, temps couvert, belle mer,
jolie brise d’E. , variable à l’E. S. E. Fait route au S. 0 . 4 0 .
sous les huniers, avec un sillage de trois milles ; à deux heures ,
fait route au S. S. 0 . sous les huniers et les basses voiles, sillage de
quatre milles. A deux heures et demie, perdu de vue la côte de glace
que nous venons de prolonger. Nous sommes tous persuadés que
la terre est derrière cette falaise escai'pée : mais à quelle distance?
c’est ce que personne ne peut préciser. Nous ne rencontrons sur
notre route que quelques glaçons épars. Une dizaine de glaces au
ventji nous. (71/. Roquemaurel.)
Note 22, page 186.
Nous avions attaqué la terre à vingt milles environ de la pointe
extrême dans l’est, qui tranchait parfaitement sur un horizon aussi
pur qu’on puisse en voir dans les plus beaux climats. Nous étions
arrivés, à 5 heures environ, sur un point assez dégagé de glaçes, et
près d’un gros glaçon qui semblait d’un abord facile ; M. d’Urville
mit en panne et envoya MM. Dumoulin et Coupvent y faire
des observations magnétiques. Pendant que nous étions à attendre
le retour de ces messieurs, nous aperçûmes, au milieu d’un amas
confus de glaces qui s’étendaient sur une ligne perpendiculaire
à la côte, des îlots entièrement dégarnis de neige ; XAstrolabe, qui
les avait vus comme nous, envoya une embarcation pour y re-
cueillir des fragments de roche,preuve essentielle pour ccmstater
aux yeux même des plus incrédules, que nous ne nous trompions
pas, et que nous avions découvert une terre, et non une grande île
de glace de 1200 à i5oo pieds de hauteur! Depuis que nous
avions vu la roche à découvert, nous nous impatientions de ne
pas voir de canot prendre cette direction ; mais ce fut bien autre
chose quand nous vîmes passer près de nous un canot de l’^ ç -
trolabe, sans qu’on nous donnât ordre d’y aller de notre côté.
J’avoue que dans ce moment j’éprouvai une vive contrariété;
je jurai, je tempêtai, et mon désespoir ne se calma que lorsque,
sur notre demande faite par signal, un de nos canots obtint de
suivre celui de XAstrolabe. Il eût élé injuste de nous refuser cette
faveur. Appelés à partager les mêmes dangers et les mêmes labeurs
, nous avions le même droit aux petits avantages de notre
campagne, qui sont de voir par nos yeux et d’étudier par nou.s