toute probabilité, s’en étaient détachées depuis peu.
Enfin, la brise s’établit définitivement au S. S. E.
et nous commençâmes à avancer rapidement; mais à
mesure que nous progressions, les îles de glace devenaient
plus nombreuses et plus menaçantes. Bientôt
même elles ne formèrent plus qu’une masse effrayante,
divisée par des canaux étroits et sinueux.
Toutefois, je n’hésitai pas à y diriger nos corvettes.
A huit heures, nous étions tellement resserrés par
ces masses flottantes, que je redoutais à chaque instant
de voir nos corvettes aller se briser sur elles.
Cette navigation n’était point, en effet, sans danger,
car la mer produisait autour de tous ces corps des
remous considérables qui ne pourraient manquer
d’entraîner un navire à sa perte, s’il se trouvait un
seul instant abrité du vent par les hautes falaises de
glace. C’est en passant à leur base que nous pouvions
surtout juger de la hauteur qu’atteignent ces glaçons
flottants. Leurs murailles droites dépassaient de beaucoup
nos mâtures ; elles surplombaient nos navires,
dont les dimensions paraissaient ridiculement rétré-
cies, comparativement à ces masses énormes. Le
spectacle qui s’offrait à nos regards était tout à la fois
grandiose et effrayant. On aurait pu se croire dans les
rues étroites d’une ville de géants. Au pied de ces
immenses monuments, nous apercevions de vastes
cavernes creusées par la mer, et où les eaux s’engouffraient
avec fracas. Le soleil dardait ses rayons
obliques sur d’immenses parois de glace, semblables
à du cristal. Il y avait là des effets d’ombre et de
lumière vraiment magiques et saisissants. Du haut
de ces montagnes de glace s’élançaient à la mer de
nombreux ruisseaux, alimentés par la fonte des neiges
qui paraissait très-active. Il nous arriva souvent
de voir devant nous deux glaçons tellement rapprochés
que nous perdions de vue la terre sur laquelle
nous nous dirigions. Nous n’apercevions alors que
deux murs droits et menaçants qui s’élevaient à nos
côtés. Les commandements des officiers étaient répétés
par plusieurs échos produits par ces masses gigantesques,
qui se renvoyaient de l’une à l’autre les
sons de la voix ; lorsque nos yeux se reportaient sur
la Zélée, qui nous suivait à petite distance, elle nous
paraissait si petite, sa mâture semblait être si grêle,
que nous ne pouvions nous défendre d’un sentiment
de terreur. Pendant près d’une heure, nous ne vîmes
autour de nous que des murailles verticales de glace.
Puis nous arrivâmes dans un vaste bassin formé par
la terre, d’un côté, et de l’autre par la chaîne d’îles
flottantes que nous venions de traverser. A midi, nous
n’étions plus qu’à trois ou quatre mille de notre nouvelle
découverte.
La terre qui était en vue nous montra alors le
peu d’accidents qu’elle présentait : elle s’étendait à
toute vue au S. E. et au N. 0 ., et, dans ces deux
directions, nous n’apercevions pas ses limites. Elle
était entièrement couverte de neige, et elle pouvait
avoir une hauteur de 1000 à 1200 mètres. Nulle
part elle ne présentait de sommet saillant. Nulîe part
non plus on n’apercevait ancune tache indiquant le
jIiI'J ■ i; tir. i .I
i' f:
i: Lt,.