1840. près de trois milles. 11 serait même possible que la
Janvier. . • i • i . a . . glace qui nous servit de point de repere, eut ete aussi
rejetée dans l’ouest, et alors la banquise tout entière
aurait pu participer à ce mouvement sans qu’il nous
ait été possible de le reconnaître.
Aussitôt le calme revenu, chacun de nous, inquiet
du sort de la Zélée, s’était empressé d’interroger
l’horizon, mais inutilement. Sa position m’inspirait
en effet des craintes bien sérieuses : malgré la fureur
des rafales, malgré l’épaisseur de la neige, elle avait
su se maintenir dans nos eaux à trois ou quatre encâblures;
mais lorsque je lui avais fait faire le signal
de liberté de manoeuvre, on m’avait averti quelle
carguait son grand hunier. Or, dans cette position ,
une avarie seule pouvait contraindre le capitaine Jacquinot
à diminuer de voiles; j’avais donc tout lieu de
redouter que cette corvette, ne pouvant plus conserver
sa toile, n’eût été rapidement entraînée dans la
banquise où elle aurait péri infailliblement; heureux
encore si, dans cette circonstance, nous avions pu,
au risque de nous briser à notre tour, sauver nos malheureux
camarades échappés à un naufrage aussi
affreux. Dans la soirée, les craintes qui nous tourmentaient
sur le sort de notre conserve furent peu à
peu dissipées; dès cinq heures, la vigie crut l’entrevoir
à six ou sept milles sous le vent à nous. A six
heures du soir seulement, dans une longue bordée
que nous poussâmes vers la terre , nous reconnûmes
tout à coup et très-visiblement notre fidèle compagne,
cinglant sons tontes voiles pour nous rallier. Elle était
tombée â près de sept ou huit milles sous le vent ;
elle nous avait aperçus, et elle s’était couverte de
toile pour nous rallier. Aussitôt je laissai arriver tout
plat sur elle, et deux heures après les deux corvettes
naviguaient paisiblement l’une à côté de l’autre,
comme s’il n’était rien arrivé.
En ce moment, mon coeur fut soulagé d’un grand
poids, car,r iïialgré toute la satisfaction que la découverte
de la terre Adélie pouvait me faire éprouver,
elle eût été à jamais empoisonnée par la perte de la
Zélée, si une funeste catastrophe eût terminé sa carrière,
ou même s’il m’avait fallu l’abandonner dans
ces tristes parages.
Dans la soirée, la mer s’embellit encore ; il vint
une petite.brise de S. 0 ., et je conçus l’espoir de
pouvoir prolonger la terre dans l’est, après avoir été
si brusquement arrêté dans l’ouest. Toute la journée
du 26 fut en conséquence employée à rallier la terre
dont nous n’étions plus, le soir, qu’à trois ou quatre
lieues ; il nous fallut en même temps réparer les perles
éprouvées dans le dernier coup de vent. Je n’avais
pu communiquer avec la Zélée, mais il était
facile de s’apercevoir qu elle avait subi de fortes avaries
dans sa voilure pendant le mauvais temps, car
elle employa toute la journée à enverguer des voiles
neuves.
Dans la soirée nous parvînmes à rallier une longue
ligne d’îles de glace éparses, et ne laissant entre
elles que des canaux très-étroits. Nous présumâmes
que ces blocs de glace étaient les mêmes que ceux au
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