
1840. ne s’élevait que fort peu au-dessus de zéro. Les oi- Jüimer. * ^
seaux de mer étaient plus rares, et enfin les observations
de l’aiguille aimantée nous indiquaient que
nous nous étions beaucoup rapprochés du pôle
magnétique, dont la recherche était un des buts
principaux de l’expédition.
18 Le 18 janvier au soir, nous avions atteint le 64“
degré de latitude méridionale. Le temps était humide,
la température assez douce, et nous étions tous pleins
d’espoir de dépasser bientôt le 70“ parallèle ; mais à
minuit nous nous trouvâmes tout à coup entourés
par cinq blocs énormes, taillés en forme de table.
Ces glaces avaient tout à fait l’aspect de celles que
nous avions rencontrées en si grand nombre aux
environs des îles Powels. Dès lors mes prévisions
que nous nous trouvions dans le voisinage de terres
inconnues prirent plus de consistance ; je renonçai
avec peine à l’espoir que je nourrissais de pénétrer
jusqu’à une latitude élevée, car je pensai que bientôt
je serais arrêté par les terres que je présumais devoir
être devant nous, et qui, dans tous les cas, en offrant
une base solide aux glaces flottantes, devaient former
le noyau d’une banquise solide et infranchissable. Le
temps était couvert ; la neige tombait en abondance,
et malgré le danger qu’il y a à naviguer de nuit
dans ces parages, nous profitâmes d’une jolie brise
d’ouest qui s’était établie pour nous avancer dans
le sud.
19 A six heures du matin, nous comptions six îles de
glace flottantes autour de nous. A huit heures, on
en distinguait seize. Tous ces blocs étaient en général i84o.
Janvier.
plus grands que ceux que nous avions deja rencontrés.
Tous avaient la même forme, ils étaient plats
et taillés à pic sur les bords. Leur hauteur variait
entre 30 et 40 mètres ; quant à leur dimension horizontale,
nous en remarquâmes plusieurs qui avaient
plus de 1000 mètres de largeur et l’un d’eux accusa
un mille de distance entre ses deux extrémités. Tous
avaient le même aspect, et se présentaient comme
ceux que nous avions vus, dans notre première expédition
polaire, aux environs des terres. On n’apercevait
aucune trace de fusion ni de décomposition ;
aucun d’eux ne présentait ces vastes échancrures
que les eaux de la mer pratiquent dans leurs bords,
et qui imitent, à s’y tromper, les arches d’un pont,
surtout lorsque la lumière vient les éclairer obliquement.
Ces îles flottantes semblaient être détachées de
la veille d’une côte glacée peu éloignée.
Nos corvettes étaient entourées de pétrels blancs
et gris, de damiers, de quelques manchots, d’une baleine
et de deux ou trois phoques. C’était encore là
un présage certain que nous étions près de la terre.
A neuf heures du matin, nous aperçûmes dans
rO. S. 0 . un gros nuage noir paraissant stationnaire
et affectant tout à fait l’aspect d’une île élevée.
Pendant longtemps nous le suivîmes des yeux,
croyant sans cesse apercevoir quelque indice qui vînt
constater pour nous une nouvelle découverte. Mais à
dix heures, le ciel, jusqu’alors brumeux, s’éclaircit
tout à coup. Le soleil apparut dans toute sa pu